Se mettre à nu pour guérir ? (Pv Matheus)

ACTE I – Première rencontre.

Un nouveau modèle allait arriver ! Voilà un petit événement qui mettait de bonne humeur le vampire, quelque chose de nouveau qui allait pouvoir un peu pimenter son existence. Il s'était donné les moyens d'accueillir son possible futur employé : tenue soignée, chevelure ordonnée. Pourquoi prenait-il à coeur de soigner son apparence ? Simplement car l'expérience lui avait apprit que la première impression était la plus importante. Sa potentielle recrue allait être un humain et Matheus savait que cette dernière allait peut-être venir à reculons, un peu craintive. Sa mission première état donc de rassurer l'humain, de lui expliquer le job et le mettre en confiance.


Un regard rapide à l'horloge : il était 20h30. Pile à l'heure, sa recrue venait de se manifester. Vérifiant le pli de ses manches, le vampire quitta sa demeure pour descendre les marches et se dévoiler petit à petit à l'humain qui pouvait le voir à travers la bais vitrée de la devanture. Rapidement à son niveau, il ouvrit la porte et l'invita à rentrer. Par habitude, Matheus s'accorda quelques secondes pour regarder l'individu qui venait de rentrer en retirant ses lunettes. Sa taille, ses formes, ses traits, ses imperfections qui ne sont autres que les clés de son charme. Une peau blanche. Une chevelure claire, quasi blanche également. Des yeux … Des yeux particuliers. Rien qu'en les voyant, Matheus s'excitait déjà intérieurement à les dessiner. L'Humain était vraiment … fascinant. Si la base était la même pour tous à savoir des bras, des jambes, des yeux etc, la nature – et la génétique – fut capable de créer des variations infinies rendant chaque personne différente. Même en étant immortel, il savait qu'il n'allait jamais rencontrer deux personnes identiques. Pour ce coup-là, il venait vraiment de mettre la main sur une perle blanche.

- Bonsoir monsieur Nygard. Bienvenue. Je suis Matheus Howells. Prenez place, je vous en prie.
Note : nom mal prononcé.

D'un geste de la main, il indiqua la chaise vacante se situant en face d'un bureau. Il alla se glisser de l'autre côté, ouvrant une pochette pour en sortir une feuille qu'il plaça devant l'individu avant de chercher un stylo. Bien qu'il avait essayé de prendre soin de son apparence, il avait – encore une fois – oublié de ranger ce bureau. Il y avait des papiers de partout et aucun stylo dans le pot à crayon. Dans sa tête, il maudissait ses élèves qui lui empruntaient sans cesse des stylos sans jamais les rendre. Après un rapide combat contre les feuilles, il abandonna pour en prendre un dans un des tiroirs. Le déposant à proximité de son possible employé, son attention se porta sur la papier qu'il venait de lui tendre.

- Le cours ne commence qu'à 21h. Nous avons quelques minutes avant que les premiers élèves arrivent. Je voulais revenir sur le contrat et autres. Vous pouvez le lire et vous êtes libres de le signer ou non après la séance. Je préfère toujours faire un essai pour être sûr que le travail vous convient. Vous avez déjà posé nu ?

Il préférait annoncer la couleur dès le départ. La réponse allait être importante car de là allait dépendre la suite. Pour ce soir-là, il n'était pas prévu que le mannequin se mettent à nu. Il n'allait jamais demander cela dès une première rencontre. Si la réponse allait être non de la part de sa future recrue, Matheus allait s'adapter et y aller progressivement. Il n'était pas un barbare. Il ne forçait jamais un modèle à se déshabiller. Debout face à lui, il attendait sa réponse et était prêt à répondre à la moindre de ses questions.

ACTE I – Première rencontre.

Ainsi, il n'avait jamais posé. Bien, le mieux pour lui allait être d'y aller progressivement. Le brun n'avait aucun problème là-dessus, il avait l'habitude et savait comment s'y prendre pour mettre son employé à l'aise et qu'il s'épanouisse dans son travail. Ce fut plutôt l'expression « hors norme » qui fit plisser les yeux du vampire. Qu'est-ce que la norme ? Les dictats imposés par la société et les publicités de grandes marques ? Foutaises. Ces normes étaient bien loin de représenter la beauté humaine.

- La beauté prend sa force dans la diversité.

D'un geste de la main, il montra la pièce dans laquelle ils se trouvaient.

- Voyez-vous des caméras ? Non. Des appareils photos ? Non. Ici, aucune marque. Aucune société. Aucune publicité n'est là pour imposer ses normes. Ici, je décide. Et pour moi, vous n'êtes pas hors norme simplement car je n'ai pas de normes. Que vous soyez grand petit, mince ou gros, avec une peau immaculée ou au contraire marquée par la vie : vous êtes totalement légitime ici.

Quittant l'espace de son bureau, il fouilla dans sa poche avant d'en sortir une clé et d'ouvrir la porte de son atelier. Au même moment, la sonnette de la porte d'entrée se mit à vibrer et deux jeunes têtes entrèrent, saluant les deux adultes d'un mouvement de la tête. Machinalement, Matheus leva les yeux vers son horloge. Ils étaient en avance. Pour le moment, il ne leur porta pas attention préférant s'occuper de Ljøl en le mettant notamment à l'aise avec ses futures tâches. Le deux garçons, des humains, savaient qu'ils étaient en avance et s'étaient installés sur les chaises de la salle d'attente, continuant leur discussion que si de rien n'était.

- Je vous présente rapidement le lieu. Le cours de ce soir est avec des jeunes adolescents. Vous n'aurez pas à vous dénuder. Si vous vous sentez près, je peux programmer un nu dès la séance prochaine, sinon on peut y aller progressivement si vous souhaitez. Mon but n'est pas de vous forcer.

Les élèves étaient âgés entre 12 et 16 ans, uniquement des humains. Par sécurité, il ne mélangeait pas les races et pour une première séance, il faisait en sorte que le modèle soit de la même espèce que les apprenants. En temps que vampire, il devait faire attention à ne pas mettre en danger les individus venant apprendre dans son école. Si une drame se produisait, il aurait beaucoup à perdre. C'est la raison pour laquelle il avait un règlement strict sur le comportement à adopter dans son atelier. L'atelier en question se composait d'une grande pièce carrée avec des tables. Au fond, deux portes. L'une menant aux toilettes et l'autre à la réserve. D'un geste de la main, il donna ses différentes indications à son modèle.

- Le cours dure une heure, mais … Par hasard, seriez-vous dispose encore une heure après ? Vous avez des yeux sublimes et je me languis rien qu'à l'idée de les dessiner …

Il lui adressa un sourire charmant, fermant les mains et joignant ses deux mains pour signifier un « s'il vous plait ». En effet, lorsqu'il recevait des élèves, il ne pouvait pas dessiner ce qui était horriblement frustrant parfois.

Voyant l'expression faciale de son vis-à-vis suite à ses questions, Ljøl se dit qu'il avait dû dire quelque chose d’inapproprié et se retiens de justesse de venir ce mordillé nerveusement les lèvres. Voilà que l'entretien commençait bien en se montrant maladroit... Il tait décidément bien stressé à l'idée de poser comme modèle pour faire de telles bourdes, l'humain rendait mieux le change que cela habituellement. L'affirmation de l'artiste le laissa surprit, positivement surprit. Ce genre de discours inclusif, on ne le lui avait jamais tenu depuis qu'il était en âge de se souvenir de son existence. Nulle doute que l'albinos aurait un rapport différent à son image si quelqu'un avait pris la peine de lui dire ces mots, de le rassurer sur la « normalité » de son corps. Sur sa légitimité à vivre sa vie sans la peur d'importuner qui que ce soit avec ce physique atypique. Les mots de Matheus faisaient mouche en plein sur la cible de son cœur, lui apportant une couche réassurance par-dessus ses craintes de faire tâche dans l'atelier d'un artiste. L'humain suivit son vis-à-vis vers la pièce adjacente qui supposait être sa classe de cours, il fut légèrement surpris de voir deux garçons entrés et s’installer dans la salle d'attente. Faisait-il partie des participants au cours de ce soir ? Probablement. Ljøl ne pensait pas que les classes étaient ouvertes à tout type d'âge, lui, qui pensait n'avoir affaire qu'a d'autres adultes, était un peu déstabilisé. Il acquiesça aux explications de Matheus, inférieurement soulagé de ne pas finir dans son plus simple appareil dès le premier soir. Il émit un discret soupir de soulagement, un poids se délesta de ses épaules tendues d'appréhension.

« Je pense qu'y aller progressivement sera plus adapté à mon type de personnalité, je n'ai pas grandi dans un milieu familial où l'exposition du corps était bien connotée. »

Ljøl fit un pas dans la pièce qui servirait de lieu de cours, son regard lie-de-vin se déposant successivement sur chaque recoin pour essayer de ce familiarisé au plus vite avec son prochain lieu « de travail ». La pièce était spacieuse et semblait agréable à vivre avec ses multiples tables en bois disséminés partout. Rien d'extravagant, bon point. L'humain se sentir rougir de façon incontrôlable face au sourire charmant et à la petite moue adorable qui accompagna la demande de l'artiste. Lui avait des yeux sublimes ? Lj' ne partageait pas cet avis, Kaoru en revanche serait tout à fait d'accord vu le nombreux de croquis couvert de ses yeux qu'il avait retrouvé par hasard. L'humain hésita quelques instants avant de se dire que de commencer par un tête-à-tête pour dessiner ses yeux étaient peut-être une façon douce de s’habituer à la présence de l'artiste.

« Je n'ai aucune obligation ce soir alors je pourrais rester une heure de plus, cela ne me dérange pas. Concernant le cours actuelle, où dois-je m'installer et comment la séance se passe-t-elle ? Vos élèves bougent dans la salle pour observer de plus prêt ? »

ACTE I – Première rencontre.

L'humain venait de répondre positivement à sa demande, de quoi rassurer le vampire intérieurement et le réjouir à l'avance. Bien qu'il restait parfaitement calme et professionnel face à l'albinos, à l'intérieur, il jubilait. Si la réaction peut paraître exagérée, elle est pourtant en total raccord avec le vampire. Celui-ci a renoncé à sa vie humaine pour profiter des bénéfices de l'immortalité afin de dessiner, de s'améliorer. Et comment on s'améliore ? En expérimentant. En essayant. En recommençant. Le regard de cet homme était une thématique nouvelle pour lui. Un challenge. Un défi qu'il se devait de relever. L'humain souhait y aller progressivement ? Très bien, pas de soucis. Il pouvait prendre le temps qu'il voulait, Math était patient. Normal pour un vampire, non ? S'il acceptait, Math était prêt à dessiner chaque partie de son corps qu'il allait dévoiler au cours des séances.

- Vous pouvez vous installer ici.

De son geste habituel de la main, il indiqua une petite estrade blanche sur laquelle se trouvait une chaise. Cette dernière se trouvait dans un endroit bien éclairé par de la lumière artificielle. La majeure partie des tables étaient réparties en arc-de-ciel autour de cet endroit.

- Vous pouvez vous asseoir. Comme je n'impose pas de thème, il est possible que des élèves se lèvent pour s'approcher de vous et regarder un détail de plus près. En revanche, ils n'ont pas le droit de vous toucher sans votre accord. C'est une règle stipulée dans le règlement.

Les règles, il y tenait. Il aurait bien aimé continuer à parler avec ce jeune homme, mais déjà de petites frimousses pénétraient dans la salle en glissant un bonjour aux deux personnes se trouvant dedans. En énième regard vers l'horloge, il hocha la tête. Il était déjà 20h50. Les élèves rentraient toujours un peu en avance pour pouvoir s'installer, mettre les tables dans la position qu'ils voulaient et pouvoir parler dans un espace plus grand que l'accueil. Maintenant qu'ils étaient 8, la première salle devenait trop petites pour eux.

- Je vous laisse vous installer, vous n'avez pas besoin de prendre une position particulière. Soyez serein et détendu, ils ne sont pas là pour vous juger. Si vous avez besoin d'une pause, n'hésitez pas à me prévenir.

Enfin, ils n'étaient pas « supposés » juger, mais comment contrôler des adolescents ? Il ne pouvait pas contrôler les petits regards interrogateurs vers le nouveau modèle, pas forcément péjoratif. Un peu de jugement, mais surtout de la curiosité. Pourtant, parmi les petites voix qu'on pouvait entendre, une question se démarqua plus que les autres. Une question posée par une jeune fille à sa camarade de droite.

- Tu as vu comment il est blanc ? Tu penses que c'est un vampire lui aussi ?

Les deux regards des humains s'orientèrent vers eux. Celle qui venait de poser la question regarda l'albinos avant de regarder Matheus. Lui aussi, il avait une peau claire. Mais cette peau là n'était pas dû à une maladie, mais simplement à sa fuite du soleil qu'il mène depuis presque trois décennies et qu'il va le suivre ad vita aeternam. Sa « nature », il ne la cachait pas. Les humains qui venaient ici, et même les parents qui envoyaient leur gosse ici, savaient. Pourquoi cette transparence ? Car elle était plus simple à gérer pour lui. Elle évitait les questions et les interrogations et la découverte sur le tard de sa nature et les possibles réactions négatives.

ACTE I – Première rencontre.

L'ignorance et les questions que se posaient l'espèce humaine. Immobile, il demeura silencieux pendant que l'humain prenait la parole. Habituellement, il se chargeait de faire les présentations entre le modèle et l'audience du cours. Cette fois-ci, son employé le devança, ce qui n'était pas plus mal au fond. Ljøl était le mieux placer pour parler de lui-même. Il devait même être habitué à expliquer le mal qui le rongeait. Que dire ? Que faire dans une situation telle que celle-ci ? Au fond de lui, Matheus était désolé. Pourtant, une petite voix dans sa tête lui disait : il n'a qu'à devenir un vampire, soucis réglés ! Cependant, il était conscient que ce n'était pas une décision qu'on prenait aussi simplement qu'il ne l'avait prise lui. Ce petit « cours » ne pouvait faire que du bien à ces élèves. Comme quoi, chez Matheus, on n'apprenait pas qu'à dessiner !

- Merci pour votre intervention.

Il adressa un sourire à l'humain, avant de joindre ses deux mains et regarda ses élèves, adoptant une expression pédagogue et bienveillante.

- Vous savez très bien que vous avez mon accord pour lui poser des questions. Evitez juste les questions mal placées, hein ?

La deuxième partie de sa phrase était adressée à un élève en particulier. Celui-ci s'était reconnu immédiatement et afficha un petit sourire gêné tout en baissant la tête. Cet adolescent était l'archétype du gamin pas méchant, mais qui ne pouvait pas s'empêcher de vouloir amuser la galerie. A force, Matheus commençait à connaître ses loupiots et eux avaient aussi appris à le connaitre : ils savaient qu'ils pouvaient parler de tout et de rien durant son cours. Y compris de sujets sans rapport avec ce qu'ils dessinaient. Pour le vampire, la créativité ne pouvait s'exprimer pleinement que lorsqu'elle était libérée de ses craintes. Un professeur strict imposant un silence religieux, c'était une contrainte pour lui.

- Avant de commencer, je souhaiterais que vous le remerciez de sa présence. Il s'agit ici d'un modèle assez difficile pour vous et qui va être un réel challenge justement en raison de sa … monochromie. Pourtant, les blancs ne sont pas les mêmes. Il y a des nuances. Des variétés. Vous allez donc partir d'une base blanche et votre but sera, par le biais des ombres notamment, de reconstituer son visage et la base de son cou. Il va donc falloir travailler sur les profondeurs pour créer le blanc translucide de sa peau, le blanc crémeux de ses cheveux et sourcils.

Situé à proximité de l'humain, il indiquait par le biais de ronds les différentes zones du visage sur lesquelles les jeunes allaient devoir particulièrement s'appliquer. Ses doigts se situaient qu'à quelques millimètres du visage de l'humain. Il pointait les différentes zones en prenant soin de ne pas le toucher.

A peine les explications terminées que les gens commençaient à dessiner, papotant tranquillement entre eux. Rapidement, une main s'était levée pour lui poser une question. Pendant une bonne heure, il n'allait faire que ça : repondre à des questions, saisir les crayons d'un élève pour reprendre son traits, donner des conseils etc. Aucune chance pour lui de pouvoir se dégager quelques minutes pour dessiner un peu son modèle. Vivement que l'heure se termine pour qu'il puisse le dévorer des yeux en tête à tête ~

L'heure se passa plus fluidement qu'il ne l'avait imaginé, les adolescents se montraient attentifs et intéressés par la réalisation de leur œuvre du jour. L'albinos qui pensait qu'il serait suffisant de crayonner l'esquisse de son portrait sur une feuille blanche pour réussir à le dessiner malgré son manque de pigmentation, fut intrigué de constater que le professeur parlait de jeu d'ombres et de différentes nuances de blanc. Ces variations de teinte que lui ne voyait plus dans le miroir, trop focalisé sur son absence de couleur. Il était donc un modèle plus difficile pour ses apprentis qui malgré cet état de fait, ne baissaient pas les bras. Matheus répondit à toutes les questions artistiques et lui aux questions plus axée sur sa maladie. Ljøl expliqua qu'il ne pouvait pas sortir dehors sans protection, il devait protéger sa peau et ses yeux au risque d'avoir de grosses brûlures. Que oui, il pouvait peut-être donner cette maladie à son enfant s'il décidait d'en avoir un. Que des albinos, il y en avait des différents : certains avaient un peu de pigments, d'autres pas du tout comme lui.

Le cours finis et les élèves repartis, l'humain se leva et s'étira quelques minutes en descendant de l'estrade pour se dégourdir les jambes. Qui l'eut cru que rester si longuement assis s'avérait si difficile et éreintant ? Pas lui en tout cas. L'albinos s'essuya le front, il avait tablé sur un pull trop épais pour venir. Maintenant, il savait que les spots qui l'illuminaient donnaient un peu de chaleur sans pour autant présenté les UV qui étaient si nocifs à sa peau. Lj' se permit de passer dans la toilette adjacente à la salle pendant que Matheus était encore en bas, l'humain se rafraîchit le visage à l'eau froide. Il s'essuya puis ressortit en constatant le retour de l'artiste.

« Qu'avez-vous pensé de leur réalisation ? N'étais-je pas un modèle trop difficile pour eux finalement ? »

Le nordique retourna récupérer le verre d'eau que le vampire lui avait proposé durant le cours pour vider son contenu en s'adossant à l'un des bancs vide. Il faisait à présent bien calme dans la salle.

« Dites-moi comment cela se passe-t-il lorsque je suis uniquement votre modèle à vous ? Je dois m’installer sur l'estrade où vous aurez besoin de plus de proximité puisque ce sont mes yeux qui vous intéressent ? »

ACTE I – Première rencontre.

Le cours venait de se terminer.

Les élèves se levaient de leur chaise, regardaient un coup d'oeil aux réalisations de leur voisins. Certains commentaient le travail de l'autre, les félicitant sur un point ou bien proposant des pistes d'améliorations sur d'autres. La fin de cours était de loin le moment préféré du vampire. Non pas car il allait enfin retrouver son calme, mais car les élèves devaient les professeurs durant l'espace d'un instant. Durant ce court moment, Matheus, déchu de sa fonction d'enseignant, restait muet bien qu'un petit sourire attendri pouvait se lire sur ses lèvres.

Petit à petit, les élèves quittaient la pièce emportant avec eux leur réalisation. Pendant que son merveilleux modèle s'orientait vers la salle d'eau, le brun restait au niveau de la porte de sortie pour leur souhaiter une bonne soirée et donner quelques conseils personnalisés de fin. La sonnette de l'entrée sonna plusieurs fois avant de se taire à jamais : le calme venait d'être revenu. Poussant un soupir et regardant la feuille se trouvant dans ses mains, le jeune vampire arqua un petit sourire avant de venir retrouver son modèle. L'albinos lui posa une question qui tombait à pic : qu'avait-il pensé du travail des enfants ? Rejoignant Ljöl, il lui montra cette feuille se trouvant dans ses mains.

« Les enfants partent avec leur dessin et c'est vrai que lorsqu'on est sur l'estrade, on ne peut pas voir ce qu'il dessine. Cependant, l'un deux vient de me remettre son travail. » Avec un large sourire, il lui montra le dessin en question. Cette réalisation était simplement excellente. Elle ne comportait que quelques erreurs, mais l'ensemble était réussi avec brio. Les propositions étaient bonnes, les ombres également et surtout, l'enfant s'était permis une petite liberté : dessiner un sourire. Matheus tendait la feuille à son modèle pour que celui-ci puisse le contempler. « Ils ne sont très bien débrouillés. Evidemment, les rendus étaient différents en fonction des niveaux. Celui-ci provient du plus prometteur du groupe. Vous ne l'avez peut-être pas remarqué, mas c'est le seul qui n'a posé aucune question sur votre maladie. Les détails, il s'en fiche. Il reste calme, discret et concentré. Son seul but est de dessiner. Sur certains points, j'ai l'impression de me voir à son âge. »

Gardant son sourire plus que sincère sur les lèvres, Matheus alla ramasser le matériel qui trainait dans la pièce avant de revenir très vite vers son modèle. « Pour la suite, vous n'avez pas besoin d'être sur l'estrade. Vous pouvez vous asseoir en face de moi. J'ai surtout besoin … de lumières. » Le vampire fit plusieurs tours sur lui-même pour regarder où se situaient les différents spots lumineux se trouvant la pièce. Il en rapprocha plusieurs du centre de la pièce avant d'en allumer un. « J'ai cru comprendre que vos yeux étaient très sensibles. Si la lumière vous gêne, je pourrais faire sans. J'en possède des moins puissantes à l'étage. »

Le brun jeta ensuite un regard au pull de l'humain et il fronça les sourcils. Il avait tendance à oublier la fraicheur du lieu, surtout en ce mois de novembre … Bien que l'inertie du bâtiment était bonne, rester immobile durant près d'une heure l'avait probablement refroidie. Il était hors de question que son modèle tombe malade. « Je peux aussi … Vous … Proposer du café où une autre boisson plus forte si vous le souhaitez ? » Ouais, le café. Ce fameux seul breuvage qui disposait d'une machine qui chauffait quelque chose.

Ljøl sentit le poids de l'appréhension déserté ses épaules qui avaient jusqu’alors demeurés tendues tout le long du cours en compagnie des jeunes artistes, il estimait avoir réalisé le plus dur dans cette entreprise de devenir modèle. Le tout premier cours, c'était clôturé sans aucun incident, les enfants avaient été intéressés par l'expérience d'un modèle albinos et lui n'avait pas trouvé la séance si dérangeante que cela. Il lui faudrait certainement un peu de temps pour s’acclimater à être la source d'attention et à demeuré le plus immobile possible durant un grand laps de temps. Un échelon après l'autre, il progresserait. Inutile de se mettre inutilement la pression concernant le prochain cours, alors que la session privée du professeur n'avait même pas encore débuté. Dans quelques heures, l'albinos quitterait son habit de modèle pour retrouver sa petite vie simple et morne dans son appartement. Il avait hâte de retrouver sa zone de confort, il ne le cachait pas. Matheus revient dans l'atelier après avoir raccompagné toutes ses petites têtes blondes jusqu’à la sortie, la demeure de l'artiste résonnait d'un calme nouveau et fortement agréable aux oreilles du nordique. La feuille que tenait le professeur dans sa main, l'intrigua et il se demanda si cela pouvait être une esquisse réalisée durant le cours. Pourrait-il voir le résultat obtenu ? Le blanc acquiesça à l'explication, ce questionnant sur la raison qui pouvait poussé un jeune apprentis à ne pas gardé ses réalisations. Avait-il état déçu de sa prestation ?

Ljøl afficha un air de surprise en reconnaissant sans difficulté ses traits crayonnés sur la feuille, il ne s'attendait clairement pas à un résultat aussi réaliste de la part de jeunes enfants. Les jeux d'ombrages pour nuancer la blancheur de son derme étaient pour le moins saisissant, c'était gratifiant de contempler la finalité de ses heures passées à faire le modèle. Son regard lie-de-vin s'accrocha profondément sur ce reflet de lui-même affichant un sourire, ce fut un sourire triste qui se dessina sur les lèvres de l'original tel un miroir à la feuille. Depuis combien de temps n'avait-il pas eu l'air si heureux et insouciant ? Pas depuis son réveil, il en était certain. Cette joie de vivre lui faisait cruellement défaut quoi qu'il face pour faire semblant d'aller bien et pour tenter de récupérer une vie un tant soit peu « normale ». Un maigre soupire s'échappa de ses lèvres alors qu'il enfouit ce mal-être aussi profondément qu'il le put au fond de son cœur. L'heure n'était pas aux lamentations, mais bien au travail. Matheus attendait toujours son cours privé. L'humain acquiesça à ses explications sur le déroulement, il se détacha du banc où il s'était posé et prit place sur une véritable chaise. Devoir rester en tête-à-tête avec le vampire, les yeux dans les yeux le rendait plus nerveux. Ne disait-on pas que le regard est la fenêtre de l'âme ? Ljøl craignait ce que Matheus pourrait y déceler.

« Je risque d'avoir quelques larmes aux coins des yeux à cause de la luminosité ambiante, néanmoins cela devrait aller. Vos lumières ne brûlent ni la peau, ni les yeux. Merci de vous en souciez. »

Le blanc se sentit rosir sous le regard inquisiteur du maître de maison qui s'attardait sur son pull, sa remarque le fit légèrement sourire. L'homme craignait probablement qu'il meure de froid alors qu'au contraire, il avait un peu trop chaud. Lj' avait grandi dans le froid de la Norvège, il s'y était rapidement acclimaté a tel point qu'il redoutait plus la chaleur que le froid. Un peu gêné, il répondit à la gentillesse du vampire.

« En vérité, je préférerais une boisson fraîche, un verre d'eau serait parfait. J'ai un peu trop chaud avec mon pull et le rayonnement des lampes durant la session avec les enfants. J'opterais pour quelques choses de plus léger pour la prochaine fois, c'est gentil de vous soucier du confort de votre modèle. »

Le nordique attendit que l'artiste vienne s'asseoir face à lui pour entrer dans la partie probablement la plus gênante de cette première séance de dessin.

ACTE I – Première rencontre.

Il n'avait pas froid. Il ne demandait que de l'eau. Bien. Voilà un modèle pas compliqué, enfin. Celle qui allait poser pour lui demain était l'inverse complet de ce petit bonhomme. Elle ne jurait que par des verres de whisky et ne cessait de se plaindre de la fraicheur du lieu, quémandant à monsieur de la réchauffer. Au moins avec lui, il allait avoir la paix et allait pouvoir se concentrer pleinement sur son œuvre sans se faire … divertir ?

- Bien. Permettez-moi de remonter deux minutes. N'hésitez pas à utiliser les sanitaires si vous en avez besoin.

D'un hochement de la tête, accompagné d'un sourire, Matheus s'éclipsa. Il monta deux à deux les marches allant jusqu'à l'étage où se trouvaient ses appartements avant de sortir un verre, servir de l'eau. Ouvrant le frigo, il s'empara également d'une bouteille de sang, fraichement livrée le matin même. Il en vida la moitié avant de passer rapidement dans sa salle de bain s'assurer qu'une goutte était visible. Rien, parfait. Attrapant le verre, il reprit la direction de son atelier.

- Tenez.

Glissa-t-il en déposant le verre sur le table se trouvant face à son modèle. Pourquoi venait-il de prendre du sang ? Purement par sécurité. Il n'était encore qu'un jeune vampire. Même s'il estimait savoir se contrôler, il n'était jamais à l'abri d'un petit accident. Que Ljol se rassure, par accident, il n'entendant pas se jeter sur lui et le sucer jusqu'à l'os, non. Simplement perdre un peu le contrôle, dévoiler ses yeux rouges ainsi que ses dents pointues et terroriser son modèle. S'il voulait que ce dernier signe bel et bien ce contrat avec ce premier cours d'essai, mieux valait éviter de l'apeurer.

Matheus alla ensuite chercher une petit pile de matériels se trouvant sur une étagère, au fond, avant de venir la déposer sur la table. Comme un bon élève, il avait préparé ses affaires en amont. Attrapant son carnet de dessins, il tourna les premières pages pour en trouver une vide, dévoilant fugitivement d'anciens croquis : des mains, des jambes et d'autres parties plus intimes d'individus qui, comme Ljol, s'étaient mis à nu face à lui. Toujours dans le silence, il déposa les différents crayons autour de sa zone de travail. Sur ce point-là, Matheus était assez maniaque quand il dessinait. Jetant un énième regard à l'horloge de la pièce, il abaissa ensuite me regard vers son modèle, toujours avec un sourire.

- Bien. Si possible, essayez de garder la tête la plus droite possible. Il est 22h09. J'ai pris un peu de retard sur l'installation, je devrais néanmoins réussir à vous libérer pour 23h.

Son regard croisa ensuite celui d'un spot lumineux et il fronça les sourcils. L'humain les trouvait trop lumineux, c'est vrai. Attrapant son téléphone, il baissa la luminosité de la totalité de ces derniers grâce à une application. Il déposa ensuite son appareil sur la table de sorte à avoir l'heure rapidement sous les yeux. Saisissant ensuite son crayon entre les doigt, il jeta un nouveau regard vers Ljol. Un regard directement dans ses yeux. Un regard assez perçant, concentré et dénué du moindre intérêt charnel. Il les analysait, il les scannait, il les gravait dans sa mémoire. L'humain n'était plus un humain désormais. Ses expressions sympas et souriantes n'avaient plus lieu d'être sur le visage du vampire. Pourquoi s'extasierait-il à l'idée de dessiner un vase ? Car oui, Ljol était désormais au même rang qu'un simple vase : il n'était qu'un objet. Objet dont seul un détail intéressait l'artiste. Considérer son modèle comme tel lui permettait de se concentrer entièrement sur ce qu'il devait dessiner et ne pas se faire divertir par des détails futiles de son anatomie.

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