Ariane Wood [Terminée]

Je suis née le 8 Juillet 1971, à Brooklyn.

Ma mère m’appela Ariane, comme ma grand-mère paternelle, Sicilienne. Mon deuxième prénom sera Farah, comme ma grand-mère maternelle. Je suis née à une époque où la ségrégation raciale en Amérique n'est pas tout à fait révolue, bien que certaines choses aient évoluées peu après ma naissance.

J'étais plutôt mignonne « pour une noire ». Les jolis yeux bleus de mon grand-père, une belle peau café au lait, pratiquement matte, des lèvres charnues, les cheveux frisés de ma mère et très énergique. J'étais bien élevée, sage, polie, cultivée, je n'étais pas un enfant à problème, j'écoutais en cours. Ma mère m'a élevé seule, ça ne m'avait jamais choqué. Elle n'a jamais parlé de lui, seulement qu'il venait d'Europe et qu'ils s'étaient rencontrés à Harlem, mais qu'un jour il avait disparu, on ne savait où. C'est à partir de ce jour qu'elle décida d'aller vivre à Brooklyn. Je n'avais pas souhaité poser plus de questions à l'époque. Peut-être plus petite je lui en avais posé, mais en grandissant cela ne m'avait pas plus intrigué que cela. Mon enfance se passa très bien. J'avais grandi avec les vinyles de ma mère, les musiques Jazz de Frank Sinatra, Louis Armstrong... Ma mère me parlait souvent de la ségrégation raciale, des conditions de vie du peuple noir ces derniers siècles. C'était notre histoire, et quand elle m'en parlait c'est comme si elle y avait été. C'était quelque chose d'assez impressionnant quand elle m'en parlait. Il y avait des choses que je ne voulais pas voir, pas comprendre, trop invraisemblable. Trop étranges.

Quelque chose me mit la puce à l'oreille. Lorsqu'à mon entrée au collège, alors que les années passaient, que mes amies grandissaient et prenaient en forme, moi... Moi je restais petite, non formée. Ma mère me dit alors que c'était sûrement un problème de carence, ou alors un problème de croissance que nous avons tous eu dans notre famille. Je restai la plus petite, la moins remarquée, la plus effacée...

Ma mère décida un jour de déménager. Nous partîmes alors en Europe, prenant ce que nous était le plus cher, nos vinyles... Je quittai alors Brooklyn, pour arriver à Londres. Lorsque je posai le pied sur le sol Londonien, nous étions le 15 Avril 1986.

« MAMAN »

Je crois que je n'avais jamais autant hurlé ce mot cette nuit-là.
Rien ne s'était passé comme je me l'étais imaginée lorsque nous étions arrivé à Londres. Quelle surprise de voir plusieurs hommes venir nous chercher ma mère et moi, tous les yeux bleus, pour la plupart blonds et châtains clair, bien habillés et sourire ravageur accroché à leur visage. Je ne compris rien, tout m'échappa.

Cela parla de pleine lune, de nuit, de rites... Tout allait s'éclaircir m'avait dit ma mère.
L'un des hommes, un peu plus en avant que les autres me fixait depuis le début, son regard était rempli de fascination, de curiosité, chose qui était sans équivoque réciproque. Que me voulait-il ?

Je n'eus pas plus de souvenirs de la journée, le décalage horaire m'avait fatiguée, tout ce dont je me souvenait c'était la route en voiture, interminable.
Mais la nuit, jamais je ne pus l'oublier.
Nous étions arrivés à un endroit, une sorte de petit cottage, près d'un lac. Ma mère m'avait couché, et je m'étais assoupie en très peu de temps. Je ne sus dire quelle heure était-il lorsque j'entendis chaque branche d'arbre bruisser sous le vent, les ondes du lac vibrer à l'aide cette brise. Mes yeux s'ouvrirent d'eux-mêmes, cela recommençait. Cela faisait plusieurs jours que j'entends distinctement des choses qu'auparavant je n'entendais pas, mais venait de se rajouter à cela maintenant mon odorat ? Toutes les odeurs me semblaient trop fortes, comme si on m'avait aspergé de parfums devant le visage. C'était violent, ça chatouillait mon nez et je peinais à sentir autre chose que l'odeur de l'eau, de la mousse des arbres, du sol humide, des pâtes bolognaises dans l'évier de la cuisine qui gisaient, pendaient de la casseroles, la sauce huileuse s'égouttant près de l'évacuation, je pouvais parfaitement tout entendre le son : le plus moindre, je l'entendais. J'ouvris la fenêtre, apparemment abruptement puisqu'elle ne manqua pas de claquer très fort, j'eus peur d'en avoir cassé la vitre. Ma vision dans la nuit fut des plus choquantes. Je voyais chaque détail, les lucioles si parfaitement, le mouvement de toutes les branches, tellement je voyais de choses je ne pourrais toutes les décrire. C'était trop, beaucoup. Et puis, le son de mon cœur qui accélère m'effraya. Je me tins la poitrine, m'accrochant à lui comme je le pouvais tant la sensation était déroutante. Tout se passa trop vite pour que je puisse le comprendre, j'en tombai à terre, la douleur qui me prit était sourde, insupportable. Je rampai tant bien que mal jusqu'à l'entrée de la maison, essayant de me frayer un chemin jusqu'à une pièce où pouvait se trouver ma mère ou les hommes venus nous chercher à l'aéroport. Mais rien, aucune lumière allumée, je n'entendais personne.

Retournée dehors, je peinai à me tenir debout, je hurlai comme pas possible, priant pour que ma mère vienne me chercher, qu'elle ne soit pas partie. C'était comme si mes os craquaient, comme si je me transformais en quelque chose.
Et puis le trou noir, je ne me souvins de rien. Le lendemain matin j'étais dans mon lit, ma mère à mon chevet, et l'homme de la veille également.

Ils me dirent tout.
J'étais une Lycan.

Ma mère en était une également. Elle est née en 1874 en Nouvelle-Orléans. C'est là-bas qu'elle a rencontré la première fois mon père. Elle avait 16 ans, elle s'était déjà transformée elle aussi par le passé. Mon père lui, était depuis plus longtemps un lycan, il est né en 1822 à Naples. Ce fut le coup de foudre entre eux deux. Il dut repartir au bout d'un an de la Nouvelle-Orléans, un problème diplomatique lui demandant de retourner en Italie avec d'autres Italiens. Les années passèrent, ma mère sut avec le temps contrôler ses pulsions meurtrières, bien que l'envie de tuer certains blancs américains lui ait traversé l'esprit. Elle fut confrontée aux haines raciales, à la ségrégation, la discrimination, tout. Mais jamais elle ne flanchât, jamais elle ne laissa ses pulsions l'envahir.
Quant à son père, lui il vécut des choses de son côté, outre le fait que lui faisait parti d'un clan de lycans Italiens et qu'il avait des devoirs envers son clan. Il était Soumis Alpha à l'époque. Très vite, il devint Bras Droit. Aussi, lorsqu'une sorte de guerre de clans éclata contre le clan de son père et celui d'un clan américain, ce fut l'occasion pour revoir sa mère. Azzio et Alisha. Retrouver la trace de ma mère ne fut pas chose aisée, de ce fait elle avait déménagé à Harlem. Au bout de quelques mois, il la trouva, par hasard dans la rue avec des musiciens afro-américains. Ils étaient dans la capitale du jazz, de l'amusement. Alors, ils s'amusèrent, autant qu'ils le purent, entre les guerres de clan d'Azzio, les attaques raciales dont pouvaient souffrir Alisha, ils profitèrent de chaque instant en jouant, s'amusant, cela dura de longues années, jusqu'au jour où Alisha tomba enceinte d'Ariane. Le clan d'Azzio avait exterminé le clan ennemi, il avait hérité de la place d'Alpha, et devait donc rentrer à Naples, là où siégeait son clan, d'où l'absence d'une figure paternelle tout le long de mon enfance jusqu'à mon adolescence. Ils s'étaient amusés pendant quarante huit ans sans jamais s'ennuyer de l'un et de l'autre. C'était ce que j'avais retenu de leur histoire. Azzio, au delà de son gros siècle d'existence n'avait pas cherché ailleurs après son court séjour en Nouvelle-Orléans, il avait patienté pour retourner en Amérique pour voir ma mère. C'était trop beau, qu'une histoire pareille puisse exister.

Si bien qu'ils m'avouèrent également que nous n'étions plus à Londres. Nous avions bel et bien atterris à Londres, mais ce n'était qu'un arrêt temporaire. Nous étions à Naples.

A Naples, ce fut différent, je ne me plaisais pas dans cette ville, dans ce pays même.
Mais j'avais bien compris qu'Azzio n'allait pas me donner le choix, je faisais partie de sa meute, tout comme ma mère. Je misai alors sur la patience. Entre temps, je repris mes études, trois années durant lesquels j'associais et les cours, et le contrôle sur ma colère et durant mes transformations, je m'en sortis plutôt bien, bien que parfois certaines transformations faillirent tourner au fiasco. J'embrayai de suite avec des études axées sur les maths. Les années passèrent vite, durant lesquels je dus accompagner mes deux parents durant certains complots contre notre clan. J'avais l'impression de faire partie d'une mafia italienne, certains mots de cette langue m'étant totalement étrangers.

Je n'aimais pas Azzio, notre relation n'avait jamais su s'améliorer avec le temps. D'autant plus qu'il avait ma mère à la botte, mais que seuls les histoires du clan semblaient le préoccuper. Ma mère était prisonnière, mais cela ne semblait pas l'ennuyer plus que ça. Elle acceptait avec enthousiasme sa condition de prisonnière dans une prison dorée. Je devins malgré-moi Soumise Bêta. Je dus remplir des missions dans la ville afin de dénicher des informations pour le compte d'Azzio, choses que je n'aimais pas faire puisque je n'y trouvais pas mon compte.

Les années passèrent, je tins dans les mains mon diplôme de mathématicienne. Mais un bonheur n'arrivant pas tout seul, quelque chose allait me faire déchanter.

L'esclavage. Azzio avait acquis des esclaves, et ils semblaient mal en point. Ce fut douloureux de les voir aller et venir dans un si piteux état. C'était même très douloureux.

J'avais fui ma meute, et n'avais laissé aucun mot à ma mère qui elle était beaucoup trop aveuglée par sa vie de princesse. Je m'étais établie en Suède, et m'étais tue. Je me faisais appeler par mon deuxième prénom, Farah pendant quelques années, avait changé de la tête aux pieds pour que l'on ne puisse pas me reconnaître. Je m'étais teinte les cheveux, rasée le côté de mes sourcils d'arcade, lissée les cheveux et arborais rarement mes vêtements d'autrefois. En partant de Naples, je m'étais affirmée, prenait plus soin de moi et me laissait plus aller dans les jeux de séduction. J'allais dans des bars, m'amusais, séduisais, j'aimais beaucoup jouer avec les hommes, qu'ils soient humains ou non. Même les jeunes vampires qui ne connaissaient pas du tout les histoires de guerre contre les lycans etc... Je m'amusai, puisque le temps allait être long. Dix ans passèrent comme ça où je bougeais dans le pays, allant de ville en ville quand je sentais que les doutes pouvaient se réveiller.

Un jour, pendant que je séduisais un Lycan, je lui parlai du clan que j'avais fui, qui prônait l'esclavage des lycans. Il me raconta alors qu'effectivement, il y avait encore des clans qui faisait subir la ségrégation chez les Lycans, et la maltraitance surtout. Mais il y avait un clan à Londres qui  se battait contre l'esclavage, le clan Mac Hawks.

C'en était bien assez. Il me fallait une protection au cas où Azzio retrouverait ma trace, et j'offrais mes services au chef du dit clan, puisqu'il m'était impossible d'être dans un clan qui allait à l'encontre de mes valeurs.

« Cela dit, fais attention. Chaque clan cache quelque chose, et peut-être que ce clan n'est pas si idéal que tu ne le penses... »

Prise d'un doute, je refroidis mes ardeurs bien vite, réfléchissant à ce qui était le plus envisageable. L'homme reprit avec un doux sourire :

« Il vaudrait mieux que tu te fasses une idée des clans qu'il pourrait y avoir par toi-même. »

Remplis de mystères, le jeune lycan s'en était allé, me laissant à mes réflexions.
Dans la semaine suivant, je partis à Londres, bien déterminée à me faire protéger par un clan.

Arrivée à Londres, je repris des études de médecine. Je ne me mêlais pas trop avec mes collègues, mais étais cela dit très respectée par ces derniers, je n'eus jamais de problèmes avec quelque humain que ce soit. C'était les années, peu avant la médiatisation. Être une femme de la nuit m'aidait toujours, et en sortant exceptionnellement un jour avec une de mes collègues, je fus vite surprise du nombre surprenant de  vampires à Londres. Je me mis à l'écart, mon amie ayant trouvé d'autres amies à une table, je m'étais effacée, un peu plus en retrait. Sentant un regard se fixer sur moi, je relevai mes yeux bleu glace vers ces yeux. Inspirant légèrement, je décelai une très nette odeur d'argent, chose qui me fit froncer le nez. Mais n'ayant jamais eu de problèmes particuliers avec cette « race » - employer ce terme me met toujours mal à l'aise – un échange fut mis en place très rapidement :

« Je n'ai jamais senti votre odeur dans les environs, venez-vous d'arriver à Londres, me demanda le Vampire, passant derrière moi, curieux.
- Je viens de Suède, pourriez-vous m'aider ? Je recherche protection au sein d'un clan de Lycans. On m'a parlé du clan Mac Hawks, pourriez-vous m'en dire plus ?
- Ah, oui... C'est un clan Ecossais, ils font passer leur but d'abolition de l'esclavage pour cacher leur véritable but : ils exterminent les petites meutes, les petits clans afin d'être le seul clan maître de ces terres. Ils ne sont pas très dignes de confiance... Si j'étais vous, je m'abstiendrai de me joindre à eux. Enfin, je ne suis pas vous, je n'ai pas été mordu par un Loup, mais par un Vampire.
- Et vous, avez-vous également des clans chez votre race, lui demandai-je, curieuse.
- Oh, je ne pourrai les compter... Je sais qu'il y a un clan plutôt cruel, et dévastateur, un autre plus dans tout ce qui est ancestral...
- Et toi, tu es dans quel clan, continuai-je dans ma lancée, intriguée en oubliant totalement le vouvoiement.
- Aucun. Je suis tout ce qu'il y a de plus libre et solitaire ! Je n'ai de compte à rendre à personne, tout ce que je souhaite, c'est m'amuser et faire l'humain le plus longtemps possible. C'est tout.
- Pourquoi m'as-tu tout raconté ? Tu ne hais pas les Lycans ?
- Je me fous de la guerre des clans, je n'ai pas voulu devenir vampire, on me l'a imposé et je dois vivre avec... Alors que tu sois une Lycan, une humaine ou un Vampire, crois-moi que ça me passe bien au dessus de la tête. »

Ce vampire était trop charmant, trop joueur, trop comme moi. Tout dans sa voix avait des sonorités séductrices, et sa nonchalance était telle que cela m'attirait, plus que tout.

Le lendemain, ma collègue me parla du « jeune homme qui a discuté avec moi une bonne partie de la soirée » et me dit que je lui avais « tapé dans l’œil ». Peut-être que oui, peut-être que non, je ne l'avais plus revu depuis cette nuit-là. Avait-il été tué ? Avait-il disparu ? Jamais je ne le saurai.

Le Boom. Ah, ce boom. Peu après cet événement, j'avais repoussé ma décision sur le choix du clan que je devais rejoindre, et je n'eus pas à le faire.

M'avaient-ils trouvé ? Ou inversement ? Ce que je sais, c'est qu'un soir, malgré-moi, j'avais aidé des Lycans à fouiller une pharmacie afin d'aider des transformations de jeunes louveteaux. La chose se répétant souvent, et les années passèrent, avec mon diplôme de médecine en poche – bien que ce diplôme fut bien plus compliqué à obtenir que celui de mathématiques, je devins professeur en université.

Très vite, le clan s'occupant de trouver des prescriptions de pilules me trouva. Je les aidais très souvent, et sans doute s'étaient-ils pris d'affection pour moi, car ils me proposèrent asile. Je ne leur cachais pas que j'avais besoin de leur protection, que très certainement un jour, le clan de mon père – s'il n'était pas mort d'ici-là – chercherait à me retrouver pour me tuer. Mais cela ne semblait pas les inquiéter. Je m'étais pris d'affection pour ce clan, doux et généreux envers les plus jeunes, comme j'aurais aimé que mes parents soient avec moi, au lieu de me laisser subir ma transformation seule, et de devoir trouver par moi même des points de rattache pour ne pas sombre dans la folie lors de mes transformations. Aussi, ce fut avec un réel plaisir qu'ils m'accueillirent. Je fis mes preuves en infiltration, j'étais futée, douée, charmeuse et joueuse, et assez intelligente, j'étais un élément que l'autre clan devait sans doute envier, mais je savais que si j'avais choisi le clan Hawks, je l'aurais amèrement regretté.