Une rencontre qui pique [Elianora]

Les accidents peuvent arriver à n'importe qui et n'importe quand, même aux prévoyants. La vie de Maximilian était réglée comme une horloge pour justement éviter une quelconque suprise qui pourrait le mettre dans l'embarras alors il n'avait pas vraiment prévu de se blesser bêtement ce jour-là. Ayant renversé sa tasse de café vide en porcelaine sur le sol de son bureau, celle-ci se brisa en plusieurs morceaux coupants qu'il tenta ramasser à main nue. Grossière erreur puisque sa paume fut entaillée profondément. L'homme lâcha le bout de tasse aussitôt en retenant une râle et il comprima la plaie avec son autre main. Le sang coulait le long de son bras et commença à tâcher sa chemise, une de ses préférées ceci dit. Il se maudit lui même d'avoir été imprudent mais le plus important maintenant était d'appeler à l'aide. Son assistante qui était dans un bureau à côté s'approcha de lui l'air ahuri mais elle ne chercha pas à savoir ce qu'il s'était passé, elle comprit juste qu'il fallait bander rapidement sa main et l'amener aux urgences au cas où il fallait suturer.

Voilà comment le chef de la guilde s'était retrouvé aux urgences de l'hôpital de Saint-Thomas, le genre de lieu qu'il n'aimait pas en raison du nombre de malades autour de lui. A vrai dire, il y avait de tout, des personnes qui toussaient, d'autres qui s'étaient cassé quelque chose ou blessé, des enfants qui pleuraient… Le calme de son bureau lui manquait terriblement alors qu'il regardait son pansement de fortune plein de sang. Son assistante était répartie et il était seul à attendre son tour. Le temps passa et l'agacement se faisait sentir, fallait-il qu'il se vide de son sang pour qu'on le remarque ? Il n'avait pas que ça à faire le bougre. De plus, sa peau commençait à tirer et à le piquer, ce qui lui rappela un terrible souvenir. En effet, dans sa jeunesse Maximilian avait blessé par un lycan ce qu'il lui avait valu une hospitalisation et il détestait les aiguilles depuis. Celui où celle qui allait s'occuper de lui devait donc se tenir prêt car il était loin d'être un patient comme les autres.

Que le voyage fut long ! J'en ai mal au dos. Il n'y a pas à dire, mon papy avait tout prévu. J'ai eu le droit à un taxi pour me déposer directement à l'Hôpital. Heureusement que mes études ont servi à quelque chose. Notre climat néo-zélandais est inversé par rapport à l'Angleterre. J'ai froid et je n'ai pas le temps de m'acheter un manteau plus épais que celui que je porte actuellement. Je visiterai cette grande ville plus tard, lorsque j'aurai le temps.

Arrivée devant le Saint-Thomas Hospital, quelques médecins et patients me regardent bizarrement. Pourquoi ? Parce qu'une jeune femme se ramène avec une grosse valise ? J'en hausse les épaules. Tant pis. Je ne m'en préoccupe pas. Le Directeur de l'établissement de santé m'attend. Je ne peux pas me permettre d'être en retard.

L'entretien se passe relativement bien. Il m'est demandé pour mon premier jour de faire une garde de 24 heures. J'accepte volontiers puis effectue la visite. Je sais également que je suis affectée aux urgences en attendant qu'une place en cardiologie ou pédiatrie se libère. Je ne suis pas pressée et préfère amplement commencer au plus bas de l'échelle puis évoluer selon les besoins.

Une fois mes affaires déposées dans les vestiaires, je revêts la fameuse blouse blanche par dessus mon pantalon en coton noir et mon tee-shirt bleu sans manches. Vu que je vais éventuellement beaucoup bouger, cela ne sert à rien de trop me vêtir. Je me regarde rapidement dans le miroir afin de m'assurer que je reste présentable. Ma longue tresse est tenue en chignon par des épingles à tête à petites boules en nacre. Je retire les fleurs bleues et oublie complètement d'ôter ma boucle d'oreille. Une petite croix en argent avec en son centre un rubis, le tout pendouillant par une fine chaîne de même métal. C'est bon, je suis fin prête.

Dans le long couloir, un infirmier qui court partout, un médecin qui réprimande sévèrement une aide-soignante ayant mal fait ou pas fait un travail, un enfant qui pleure, des cris d'agonie. Il n'y a pas a dire, ça fait du bien de retourner dans un environnement « familier ». Plusieurs patients attendent plus ou moins patiemment que l'un de nous veuille bien se donner la peine de le prendre en charge. Je vais pour me rendre dans « notre » bureau sauf que quelque chose me fait retourner sur mes pas. Du coin de l’œil j'avais vu du sang.

- Tena koe. Bonjour. Infirmière Elianora-Aretemoe, pour vous servir. Veuillez me suivre que je puisse m'occuper de vous. S'il vous plaît.

Première bourde. Par réflexe, je lui dis bonjour dans ma langue paternelle, je me reprends aussitôt essayant de ne pas faire remarquer ma gêne. Si avec ça il n'a pas compris... j'aurai de la chance qu'il veuille bien qu'une étrangère comme moi s'occupe de lui.

Cet homme bien habillé, aux cheveux indisciplinés, a la main qui saigne de plus en plus. Je ne peux ignorer cela. Si mes collègues le laissent ainsi, il va finir par faire une syncope. Hors de question!Pas avec moi en tout cas.

J'ignore si c'est lui qui a bandé sa main, mais au moins ça limite les dégâts. Ce n'est pas un si mauvais travail.

- Dans un premier temps, je vais devoir vous rincer la main afin de m'assurer qu'il n'y a aucun corps étranger. lui explique-je calmement avec ma douceur habituelle.

Je ne vais pas tout lui dire d'un coup, ni trop poser de questions. Ce qui s'est produit ne me regarde pas. Il parlera en temps voulu et si monsieur désire.

Assit dans la salle d'attente à regarder la populace dans leur milieu naturel, Maximilian se rappela que son cher ami Mikaël Crown travaillait dans cet hôpital. Un frisson parcourut son dos à l'idée de le croiser dans cette position inconfortable car il n'avait pas envie qu'il s'occupe de lui comme s'il était un enfant alors que c'était son responsable. De plus, il ne souhaitait pas que le vampire sache comment il s'était blessé bêtement puisque ça ne lui ressemblait pas d'être tête en l'air. En réalité, c'est une jolie jeune femme aux yeux magnifiques qui s'approcha du PDG, mais pas de quoi le déstabiliser et professionnel comme il était, il se leva calmement pour la saluer à son tour.

"Bonjour, Maximilian Van Broggan, enchanté, j'aurais aimé vous rencontrer dans d'autres circonstances…"

Petite pointe d'humour rare qui traduisait son envie d'être ailleurs en ce moment. Pour l'instant, il n'avait plus qu'à suivre l'infirmière et la laisser faire son travail. Il profita d'être près d'elle pour l'analyser discrètement, ce qui pouvait lui permettre de se rassurer. Son manque de confiance envers les gens l'obligeait à faire attention où il risquait de finir au fond d'un caniveau. Ce que l'homme craignait surtout présentement était qu'elle soit peut-être une vampire mais il avait appris à les reconnaître donc RAS de ce côté là. La crainte de se mordre pour un peu de sang était toujours présente au fond mais il ne détestait pas les créatures de la nuit pour autant. Il écouta la jeune femme sans broncher et le fait qu'elle soit calme et douce était assez étrange pour lui car il n'avait pas l'habitude.

"C'est votre premier jour, je me trompe ?" Demanda-t-il en retirant sa veste noire. Il déboutonna ensuite sa manche de chemise ensanglantée pour faciliter la tâche à l'infirmière.

Son analyse terminée, Maximilian avait conclu à tort ou non qu' Elianora venait d'arriver. Non seulement parce qu'elle lui avait parlé dans une langue étrangère, ce qui ne l'avait pas dérangé d'ailleurs puisque son père n'était lui-même pas anglais mais elle portait également une boucle d'oreilles. Les bijoux étaient proscrits dans le milieu médical et une infirmière aguerrie n'aurait pas fait cette erreur. De plus, elle semblait encore "fraîche" alors que le secteur hospitalier broyait les pauvres aide-soignants, à moins qu'elle avait une grande force mentale. Elle ne lui avait pas non plus demandé comment il s'était blessé ce qui aurait facilité les soins. Qu'elle soit nouvelle ou non ne changeait rien, Max n'avait pas de doute quant à ses compétences mais il était curieux de le savoir.

"Je ne suis pas douillet, vous pouvez y aller" Ajouta-t-il calmement.

Mon patient se fait humoristique, un brin dragueur peut-être. Mais pour moi, ce n'est pas cela. C'est quelque chose de plus... grisonnant. Il est possiblement agoraphobe.

Monsieur Van Broggan est près de moi. Dans d'autres circonstances, cela m'aurait troublé. Néanmoins je suis en plein travail, alors je n'y réfléchis pas. Je me sens seulement observée. Cela me semble normal, logique.

Bien que je fasse ce métier, je ne peux m'empêcher de m'en faire une rapide idée, et lorsque j'aurai fini mon service, j'oublierai possiblement son aspect et ce qu'il peut représenter. Trop de choses à faire depuis mon arrivée. Je ressens chez lui cet aspect de droiture, qui sait ce qu'il veut. Je ne dirai pas qu'il aime commander, non.

- Effectivement. Mon premier bonjour m'a trahie je suppose. réponds-je avec ce même sourire puis une pointe d'humour afin de donner le change. Premier jour en ces lieux mais pas le premier dans sa globalité.

Par respect et pudeur, alors que mon blessé retire sa veste, je me retourne pour ne pas regarder. Une fois que Maximilian est prêt, je lui fais face tout en lui faisant signe de bien vouloir s'allonger sur le lit.

- Êtes-vous à jour dans vos vaccins ? Depuis combien de temps saignez-vous de la sorte ? le questionne-je en posant sa main sur mon genou afin d'avoir un appui stable.

Le temps qu'il me réponde, je prends une gaze tissée imbibée de biseptine puis nettoie doucement. C'est bien ce que je pensais. Une fois le bras et la main nettoyés, je repose son bras sur le lit afin de me retourner et de prendre le petit haricot en carton où se trouve un set stérilisé pour ce genre de situation.

- Je me dois de vous avertir que vous avez deux petits morceaux de porcelaine dans la plaie. Je vais donc les retirer, vous anesthésier localement afin de faire quelques petits points de suture. Cela vous convient-il ?

La conversation entre Maximilian et l'infirmière s'était entamée naturellement et son caractère avenant devait y être pour quelque chose. Cependant, elle était simplement là pour faire son travail, pas pour papoter mais quand l'humain avait quelque chose en tête, rien ne pouvait l'arrêter. Cette façon d'agir lui donnait peut-être un côté égoïste ou capricieux mais pour lui c'était plutôt être déterminé. Finalement il s'était un peu trompé puisque Elianora était nouvelle à St-Thomas mais pas dans le milieu hospitalier.

"En effet, quelle langue était-ce ?"

Elianora lui répondait sans complexe alors il faut croire que ça ne la dérangeait pas de soigner et de parler en même temps. Ce fut de courte durée puisqu'elle reprit sa casquette de professionnelle en lui posant des questions sur sa santé. Elle lui prouvait sans le vouloir qu'elle était loin d'être une néophyte en la matière. Le chef de la guilde s'allongea sur le lit tout en réfléchissant aux réponses qu'il allait donner mais avec tout le brouhaha ambiant et le stress ressenti à cause d'un évènement inattendu, les idées avaient du mal à fuser.

"Je suis à jour oui et il est passé au moins une heure et demi entre le moment où je me suis coupé et maintenant."

Maximilian se mit à observer le plafond en laissant la jolie jeune femme nettoyer la plaie. Il avait mal mais aucun muscle de son visage ne bougea d'un pouce. Ensuite le verdict tomba, des morceaux s'étaient plantés et il fallait suturer mais ce n'était pas le pire, qui dit anesthésie dit piqûre… Cette fois sa face sembla pâlir. Il ramena sa main sur son front en essayant de se persuader qu'il n'était plus un petit garçon et qu'il n'y avait vraiment pas de quoi avoir peur mais c'était plus fort que lui.

"Je dois vous prévenir…" Souffla-t-il en tournant sa tête vers Elianora.

Il n'avait pas l'air effrayé, juste décontenancé à l'idée de devoir révéler un secret. Cependant, elle était un membre du personnel médical alors ça lui dérangeait moins d'en parler.

"Je suis capable de supporter beaucoup de chose madame mais j'ai horreur des aiguilles. C'est idiot, n'est-ce pas ?"

C'était assez incongru qu'un responsable impitoyable d'une entreprise vieille de plus d'une centaine d'années soit simplement terrifié par une aiguille. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'Elianora ne l'ait pas reconnu car ce serait un véritable déshonneur. En réalité, il se mettait une pression tout seul mais elle était nécessaire, si ses ennemis connaissaient cette faiblesse ils pourraient s'en donner à cœur joie.

- Je vous ai dit bonjour en maori. Je suis originaire de Nouvelle Zélande. réponds-je tout naturellement.

Il y a des jours où l'on aimerait avoir tous les patients comme cet inconnu. Quoique pour ma part, je m'ennuierai à la longue. Ses informations sont claires et m'aident plus que nécessaire pour ses soins. Mais une heure et demie au moins à saigner de la sorte, il va nous faire une syncope en se redressant lorsqu'il partira. Je demande alors à une aide-soignante de m'apporter une madeleine et un jus d'orange.

Techniquement, nous ne devons pas toucher les blessés et autres malades au maximum. Sauf que je trouve plus pratique de prendre sa main dans la mienne afin de retirer les bris de porcelaine.

- Si quelque position que ce soit vous est inconfortable, je vous remercierai de me prévenir s'il vous plaît. demande-je en mettant un champ de protection sur son avant bras avant de prendre réellement sa main.

La petite collation pour mon blessé arrive enfin et ce n'est qu'à cet instant que je suis surprise de voir que mon nouveau lieu de travail ait exactement le même matériel qu'Auckland Hospital. Serait-ce par eux que mon grand-père se fournisse ? Ce qui me paraît un peu plus clair à présent qu'il m'ait envoyé dans cet hôpital aussi facilement. A moins que ces deux établissements de soins aient tout simplement le même fournisseur.

La plaie est bien nettoyée puisque je retire le premier corps étranger avec la pince à épiler sans aucune difficulté. Pour le second, c'est un peu plus compliqué. Je respire silencieusement et profondément. De ma main tenant la sienne, je lui masse le poignet à l'aide de mon pouce tant pour le détendre que pour le rassurer. Qu'il ne se fasse pas l'idée d'une technique de drague ! Je souris, tire un petit peu mais sans force pour éviter de casser encore plus le débris. Ah ! Ça y est ! On y est ! Le morceau n'est plus.

Je sais pertinemment que c'est un adulte mais je ne peux m'empêcher de fredonner quasi imperceptiblement dans ma langue.

Spoiler:

Je lui repose la main sur le lit après avoir posé une gaze tissée dessus puis me lève afin de préparer l'anesthésiant local. J'arrête de fredonner à l'instant même où il ne termine pas sa phrase. Je plonge dans son regard sans manquer  de respect. Je n'ai pas des capacités particulières mais à force d'être au contact des patients, je devine que les piqûres et lui ne font pas bon ménage. Fait confirmé parce ce qu'il dit après.

D'une main je masse à nouveau son poignet et de l'autre je pose doucement la pointe de l'aiguille puis injecte le produit petit à petit.

- Non je ne trouve pas. Ce qui  serait idiot serait de ne rien dire et que par réflexe vous me portiez un coup et que l'on se retrouve tous les deux en mauvaise position.

Me rendant compte que la phrase peut porter à confusion, je me reprends rapidement. Le produit a fini d'être injecté.

- Je veux dire que je perde connaissance et vous, devoir appeler d'autres infirmiers pour nous deux. continue-je avec un sourire un peu plus grand. Mon sourire de tous les jours, les jours de repos. C'est un anesthésiant assez puissant. Veuillez compter jusqu'à vingt pour que je puisse commencer les points de suture, je vous prie.

Je me relève à nouveau et commence à ranger et jeter ce que j'ai utilisé le temps du dénombrement.

Rien qu'entendre le nom de la Nouvelle-Zélande faisait voyager et bien que Maximilian avait déjà fait le tour du monde pour les affaires, il n'avait jamais foulé la terre des Maoris. Un jour, pourquoi pas…

Pour le moment, il était occupé à se faire enlever des corps étrangers de sa peau. Évidemment, l'humain aurait préféré être ailleurs mais il était tout de même bien tombé avec Elianora. Elle n'était pas brute comme certaines, non pas qu'elles n'aimaient pas leur travail mais il fallait aller vite. Cette femme là prenait son temps et le bien être de son patient passait avant le reste, ce qui procurait une sensation étrange à Maximilian. Il était toujours souvent entouré d'hypocrites, des lèches bottes ou de personnes qui lui voulaient du mal alors qu'on soit au petit soin pour lui n'était pas si déplaisant finalement. Enfin, ça n'empêchait pas la douleur de lui irradier la main et il tentait de la masquer en regardant ailleurs.

Il secoua la tête pour signifier à l'infirmière que tout allait bien et la collation arriva, ce qui n'était pas de trop. Pour ne pas mettre des miettes partout, il se contenta du jus d'orange pour l'instant. Il n'était pas vraiment terrible au goût, ou du moins il avait connu mieux mais on était dans un hôpital, pas une clinique de luxe et puis ça lui avait quand même fait du bien de boire un peu.
Max crut renverser sa brique de verre de jus d'orange en sentant Elianora lui masser le poignet et il se rattrapa de la façon la plus classe possible pour rester naturel. Il n'était pas très tactile alors cette caresse ne l'avait pas vraiment détendu à vrai dire… Mais il ne pipa mot. Elianora était en train de chantonner et il préférait l'écouter que de faire un scandale. Il se radoucit doucement et ferma les yeux, tout en ayant l'impression d'être ailleurs.

La jeune femme s'arrêta et il était temps de lui injecter l'anesthésiant, la partie la moins drôle mais l'aide soignante avait l'air et la manière de le rassurer. Cependant, c'est sa drôle de remarque qui attira son attention et le produit fut injecté sans encombre.

"Ce serait vraiment gênant en effet…" Dit-il avec un petit sourire en coin.

Les secondes s'écoulèrent et l'homme brun ne sentait plus sa main. C'était un soulagement de ne plus sentir sa peau tirer et brûler, bientôt il allait avoir un beau pansement. Maintenant qu'il allait un peu mieux, il ne put s'empêcher de parler boulot.

"C'est bien dommage que vous veniez d'être affectée ici, nous aurions besoin de personnes comme vous à la guilde Saint-Pierre."

Si Elianora était nouvelle à Londres, elle ne connaissait peut-être pas cette entité à moins qu'il y ait eu des échos jusqu'en Nouvelle-Zélande. C'était le genre d'entreprises que l'opinion public appréciait autant qu'elle détestait, cela dépendait de sa position envers les non-humains mais Maximilian assumait totalement.

Je suis partie depuis si peu de temps que mes terres natales me manquent déjà. La nostalgie ? Le mal du pays ? Mes parents ne m'avaient jamais préparée à cela. Iris voulait que je reste au pays. Le destin a souhaité le contraire. Quoiqu'il en soit, je n'oublierai jamais la Nouvelle-Zélande. Je l'ai dans le cœur et le sang. Désormais, il faut que je m'habitue à cette nouvelle terre. Après tout, il se peut que je m'y habitue et que je finisse par l'adopter.

Je ne suis pas sans ignorer que la douleur doit être bien présente pour Monsieur Van Broggan. Généralement, lorsque l'on regarde, c'est quelque chose nous gêne. Je ne suis pas fine psychologue, mais il vient de me le prouver sans le vouloir.

J'ignore ce que signifie son petit sourire en coin quant à l'idée que nous soyons en difficulté. Cependant, je préfère le voir ainsi. Un petit sourire illumine doucement mon visage en retour.

Une fois l'anesthésiant actif, je desserre ma prise au poignet du patient afin de commencer mes points de suture. Ils sont au nombre de 4. Ces derniers ne sont pas trop espacés pour une régénération des tissus plus rapide. Techniquement, j'ai fait un très bon boulot. Et ce n'est pas du tout pour me lancer des fleurs. Je n'ai jamais eu de problème avec cela ni eu de mauvais retours.

- Sans vouloir vous offenser, comment pouvez-vous être certain que ce soit dommage que je sois affectée dans cet établissement de soins ? Ce n'est que la première fois que vous me voyez. réponds-je tranquillement avec le sourire.

Ce qui dans un sens, me permets de réfléchir. La Guilde Saint-Pierre ? J'ai déjà entendu ce nom quelque part, mais je ne me souviens plus ni où ni comment.

- Ahu-Lani Osborne, mon grand-père m'en a probablement parlé. C'est lui qui m'a faite transférée en ces lieux. Je n'en suis pas certaine. Quel est l'objectif de votre... Guilde ? Soyez franc je vous prie. Car pour le moindre transfert, je pense qu'il faudra tout de même voir avec lui. Êtes-vous le... dirigeant de ce groupe ?

Je ne suis pas sûre de ma réaction. Vais-je accepter la demande d'un inconnu ? Saura-t-il me faire croire à ses buts ? Ai-je le même idéal ? Ça, je ne le saurai qu'en écoutant ses réponses.

Le temps qu'il me parle un peu plus de la Guilde et des idéaux, je range tout mon matériel et commence la désinfection des meubles utilisés. Une fois terminé mes tâches, je lui tends sa veste.

Sage patient qu'il était, Maximilian laissa Elianora faire son travail dans le calme. Elle était si gentille et prévenante qu'il commençait à tolérer le fait d'être dans un hôpital, un exploit en soit. De ce fait, il ne put que souffler par le nez en entendant sa question sur le fait qu'il était dommage qu'elle soit affectée ici. Il n'avait pas vraiment pris en compte qu'elle se plaisait sûrement dans cet endroit, comme si son avis à lui était le plus important.

"Ce n'est pas de tout repos de travailler dans un hôpital et vous n'êtes sûrement pas très bien rémunérée, de plus il est difficile d'en sortir."

La grande question pour lui était pourquoi quitter un pays que l'on dit paradisiaque pour rejoindre une contrée bondée de monde et où il pleut souvent ? Le PDG était curieux de le savoir puisque ça le dépassait complètement mais il se garda de questionner l'infirmière car c'était sûrement trop personnel. Elle avait quand même sa main entre les siennes et il ne valait mieux pas la contrarier. Cependant, la jeune femme donna une information précieuse ensuite et Max avait maintenant un début de réponse : c'est son grand-père qui avait eu la brillante idée de la déraciner de sa terre pour la planter à Londres et il semblait avoir la main mise sur elle. Il était souvent déconseillé de se mêler aux histoires familiales, ça n'apportait que des soucis ou du moins c'est ce qu'il pensait alors il s'attarda sur l'intérêt d'Elianora pour la guilde.

"C'est bien cela, je dirige la guilde Saint-Pierre depuis la mort de mon père il y a quelques années." Même en évoquant ce tragique incident, Max sembla froid, sans émotion et pourtant il en souffrait. "C'était un scientifique qui, avec d'autres collègues, ont décidé de trouver un moyen de rendre les vampires et les lycans humains. Les recherches se poursuivent encore aujourd'hui."

Dit comme ça, la guilde semblait être une sorte d'organisation anti non humains mais ce n'était pas le cas, bien que le brun à lunettes avait des idées bien arrêtées sur la question... Mais elles ne reflétaient pas tout ce que représentait l'entreprise.

"Que ceux qui le souhaitent évidemment mais pas seulement, nous avons mis au point des moyens pour les aider à mieux se contrôler."

Jusque là tout allait bien mais Maximilian était maintenant obligé de parler de l'envers du décor, Elianora lui avait demandé d'être franc après tout.

"Les recherches sont menées sur des cobayes consentants mais il arrive que quelques uns d'entre eux se sentent mal à cause de certains traitements, qu'ils se blessent ou blessent les autres dû à leur inexpérience. La plupart d'entre eux sont désœuvrés face à leur condition et peinent à vivre normalement, d'où l'intérêt de les soigner définitivement. En attendant, nous avons besoin de personnes compétentes pour les accompagner psychologiquement et les prendre en charge s'ils ont un problème de santé."

Ce n'était pas de tout repos et il n'était pas rare que des membres du personnel démissionnent. Il faut dire que tout le monde n'était pas forcément à l'aise avec le fait de réaliser des tests sur des vampires ou des lycans ou même devoir les enfermer en cas de perte de contrôle. Pour Maximilian, c'était le prix à payer pour un monde plus sûr. Ce qu'il avait omis de dire à cette jolie infirmière était que pour lui, le gêne lycan et vampirique était une maladie qu'il fallait éradiquer, peu importe les moyens... Les soins étant terminés, l'homme remit correctement la manche de sa chemise et attrapa la veste que la femme lui tendit. Il n'était pas censé s'attarder ici puisque d'autres personnes attendaient derrière lui alors il sortit sa carte de visite de sa veste et la remit à sa bienfaitrice.

"Si la curiosité vous guette, rien ne vous empêche de vous rendre dans nos locaux."