Speak to the Devil and the Devil shall appear... [AIDEN]

Le physique qui me différencie
Je suis assez grand, et comme je me nourris mal, assez fin. Je dois atteindre le mètre quatre vingt cinq ou quatre vingt dix, si je me tiens pas trop voûté. Je suis brun, le crâne rasé sur les côtés, les cheveux en arrière et j’ai des tatouages et quelques cicatrices. Des yeux éclatés, des cernes jusqu’aux genoux et le teint pâle. Mais quand je fais l’effort de me mettre en condition et au meilleur de moi-même, il réside en moi un certain charme. Peut être un côté badboy ? Je ne sais pas, en tout cas voilà pour ma stature.

Mon visage est émacié et anguleux et j’ai les yeux bleus de mon père. Je suis clairement affamé mais je crois que ma neutralité se voit dans mon regard, quelque soit mon expression. Je veux juste qu’on me foute la paix et j’en demanderai jamais plus. Les gens vivent, puis meurent, puis rient, puis pleurent. Ce regard froid et distant ne me quittera jamais, car ce n’est que de ça que je suis fait. Du moment qu’on me laisse ma came et mon foutu cerveau qui disjoncte les trois quart du temps, alors je n’interviendrai dans la vie de personne.

L’allure qui me caractérise est banale. Un grand manteau imperméable noir au revers rouge. Parfois un Bombers élimé, ça dépend. Je ne quitte que peu mes jeans troués et mes débardeurs trop près du corps. Je dois avoir un ou deux sweat pour passer l’hiver, ce qui est plutôt maigre. Je cache mes yeux de junkie derrière des lunettes noires, pas très grandes et rondes. Aux pieds : des rangers, ou tout ce qui pourrait s’apparenter à de gros godillot sombre dont le cuir a été saccagé à force d’être porté. Une démarche fatiguée mais rapide, qui avance que pour une chose : rentrer chez soi.

Le psychologique qui m'habite
Boom.
Seul bruit dans mon cerveau.
Tout qui explose dès qu’il se passe quelque chose. Je suis un affolé, un paniqué. Dès qu’on me sort de ma zone de confort, je me laisse aller, je pète les plombs. J’ai pas de sang-froid, je sais que je pourrai faire des atrocités à cause de ça, c’est pour ça que je sors jamais, pour pas mettre les autres en danger par ma simple présence. Je crois qu’au fond j’ai peur. Peur de ce qui m’entoure, peur de ce que je ne connais pas. Et je ne connais personne.

Pour sûr, je sais qu’il y a ces saloperies dehors. Tout ces trucs qui ne vivent que pour m’arracher la tête du corps. A moi et des centaines d’autres personnes. J’en veux pas, j'sors pas, je veux rien et dès que j’y pense, je fais des crises de panique. J’en rêve parfois la nuit et c’est pour ça que je me came, que je me perds plus encore que ce que je ne suis déjà. Que ces meufs viennent hanter ma chambre et que je veux rien savoir de qui elles sont et d’où elles viennent. Je veux juste… Juste qu’on m’oublie. Que le prénom d’Aiden fasse pas mouche, que ça tilte chez personne. Qu'on me laisse me recroquevillé dans mon lit et ne plus entendre les cris.

J'ai pas toujours été comme ça mais j'ai du le devenir. Je supporte pas la présence d’autrui si je suis conscient et lucide. Je me méfie, je vis dans la paranoïa. Je sais pas me soigner autrement qu'avec la drogue. Je connais pas de manière plus correcte de me faire traverser la rue et dire bonjour aux commerçants chez qui je fais mes courses.

Alors je vis, je prie pas mais je pourrai, et puis je me tiens informé de tout ce qu’il se passe dehors. Je me documente, je joue, je tue mon temps libre en piratant deux trois petits sites manière de me faire la main sans me faire gauler… Et accessoirement, je m’autodétruis.

Le passé qui m'a construit
« Dégage. », « Pardon ? », « J’en ai marre de voir ton cul. Dégage. Et laisse la poudre sinon je te saigne. » Sans surprise, une gifle claqua mon visage dans un bruit cinglant. La pauvre fille qui était sur mon matelas, à même le sol, les fesses à l’air, se releva, s’habilla et se tira en m’insultant. Les mots traversèrent mon esprit sans même s’arrêter, ce dernier étant occupé à penser aux restes qui trônaient pitoyablement dans mon frigo. Un vieux plat de lasagnes, ce sera pas mal du tout. Tomate, rail, douche et j’allais être plus en forme que jamais pour aller trier des papiers dans un sous-sol mal éclairé.

J’habitais dans un bouge pourri au premier. Il fallait passer par derrière, traverser une porte en fer et monter l’escalier en béton armé pour arriver pile devant ma porte. Celle-ci glissait sur un linteau dans un boucan sans nom à chaque fois que je l’ouvrais ou la fermais. Magnifiquement huilée. Le deux pièces n’était un « deux pièces » que de nom. La cuisine était ouverte sur le petit salon où trônait une vieille télévision qui grésillait, un matelas tâché qui me suivait depuis plus de dix ans maintenant, une table basse car il fallait bien un endroit propre pour sniffer et du bordel un peu partout de ça et là. J’avais réussi à récupérer un vieil ordinateur capricieux qui me permettait de m’évader de temps en temps, pour pas très cher il y a quelques années. Mais à part ça, il n’y avait rien, parce que j’avais besoin de rien.

Cette meuf, je la connaissais du cousin d’un pote au petit frère du voisin au bloc d’après. Je sais pas pourquoi j’avais plongé, comme un con, dans ses histoires sur les gens morts mais pas vraiment morts. Depuis qu’on vivait dans ce monde rempli de saloperies suceuses de sang ou pleines de poils dégueu, je m’étais rendu à l’évidence que mes vieux avaient du se faire bouffer, comme les bleus qu’ils étaient. Car ouais, ces abrutis m’avaient mis au monde, avaient décidé de continuer à gambader dans toute l’Angleterre sans se mettre la pression, et avaient fini par caner. J’avais été placé dans un foyer suite à ça, à l’âge de cinq ans, où on m’expliqua la vie à coup de paranoïa dans la tronche et de baffes correctionnelles.
Frappe, frappe, ça m’fait plus rien p’tain.
Les deux personnes qui m'avaient prise sous leur aile étaient parfaites. Pavillon, ménage heureux, intérieur nickel, travail à plein temps de la femme qui apportait assez pour tous les trois. Trois. Puis ils ont eu l'accord d'en accueillir un autre, un an après. Et deux ans après, elle a perdu son job, elle a fait une dépression, et le mari nous a plus assumé. On était comme deux débiles avec mon 'frère' à d'voir s'éduquer à moitié tout seuls. Elle sortait plus, ne riait plus et son mari l'accompagnait dans sa léthargie. Il croyait ses délires. Les doc' avaient été formels : elle était en train de divaguer, plongée dans la paranoïa. Et lui c'était un faible, depuis le départ, alors il plongea aussi. Et on nous séquestra de peur qu'il nous arrive des trucs, que les bestioles viennent nous prendre et tout un tas d'autres conneries stupides. Sauf qu'on grandissait, on pouvait pas rester là toute notre vie. On l'voulait pas t'façon. Alors on a vu la maison se dégrader, perdre en éclat, le couple se briser, et la pauvre femme finir par se suicider.

J’étais allé à l’école publique et dès qu’elle n’avait plus été obligatoire, j’ai commencé à bosser de ci de là, sans me soucier d’un quelconque avenir. Ce que je voulais c’était qu’on me foute la paix, survivre, et ne pas qu’on me voit. Alors j’avais pas grand-chose dans la caboche, mais je savais faire pas mal de choses avec mes mains. Je perdis mon 'frère' de vue très rapidement, vu qu'il était plus petit, les services sociaux sont venus le chercher rapidement pour laisser les deux dans leur délire bizarre. Moi je faisais plus partit de la famille depuis longtemps. Peut être n'avais-je jamais vraiment été des leurs ?

J'avançais dans la cuisine et me retrouvai avec une culotte accrochée à mon pied nu. La bombe l'avait oublié par terre et comme un idiot je l'avais embarqué avec moi jusqu'au frigo. Mais bref, en fait, j'avais beau y penser, il s’était jamais rien passé de fabuleux et puis j’avais fini par trouver ce job. T’es moche et tu ressembles à rien ? Parfait, t’ira aux archives.
Ce boss qui avait tellement comprit mon mal être qu’il m’avait même caché au sein de sa propre boîte. Je sortais peu mais quand je le faisais, c’était avec des paumés de mon acabit. J’étais une âme en peine, et y avait rien à faire pour me sortir de là.