Katyusha Orlov

Le physique qui me différencie
La dame peut se targuer d'être très agréable à regarder. Mesurant un bon mètre soixante-dix, son corps est tout en courbes, avec des formes généreuses mais juste ce qu'il faut pour être en harmonieuse avec sa silhouette. Comme si on avait pris un soin méticuleux à ce que tout soit rigoureusement proportionné. Sa peau naturellement laiteuse offre un contraste saisissant avec sa chevelure de feu, et ses yeux bleus. En public, elle attache ses cheveux et les coiffe avec soin, offrant l'apparence soignée et distinguée que l'on exige d'elle. Mais dès qu'elle le peut, elle délivre sa crinière chatoyante pour la laisser tomber en cascade. D'ordinaire lisses, il n'est pas rare qu'ils soient ondulés surtout s'ils ont été attaché avant.

Seul héritage de sa mère, Katyusha en prend soin, ils sont doux et soyeux. Car pour le reste, physiquement parlant elle tient de son père. Ses yeux ont cette couleur bleue et cette forme en amande caractéristique des pays de l'Est. Ils sont particulièrement saisissants, offrant un regard vif avec des relents un peu sauvages, un regard félin. Ils sont peut-être son atout majeur tant ils sont expressifs et envoûtants, on s'y perd volontiers. En public, elle arbore toujours un sourire discret et poli. Son visage a des traits très doux, qui respirent la jeunesse, presque l'insouciance. Ce genre de visage d'ange, à qui on donnerait le bon dieu sans confession. Les apparences sont si trompeuses....

Son éducation lui a inculqué une démarche gracieuse et fluide, ainsi qu'une excellente tenue. Même si elle reste discrète, elle avance d'un pas assuré et souvent rapide. Même si cela ne se voit pas, la demoiselle est assez musclée. Affectionnant les longues marches et l'équitation, elle a une excellente condition physique. Elle est svelte, mais pas maigre. Ces particularités lui confèrent un charme envoûtant, dont elle use pour s'attirer les bonnes grâces de ceux qui l'entourent. Sa voix est douce et apaisante de manière générale, mais lorsqu'elle s'amuse, elle devient plus joyeuse et chantante.

Le psychologique qui m'habite
En public,  elle apparait comme absolument charmante. Katyusha s'est forgée la réputation d'une femme agréable et sociable. Polie et courtoise, elle sait néanmoins faire preuve de répartie, le plus souvent avec ce brin de malice si caractéristique. Presque une marque de fabrique, si elle le peut, elle désamorcera les conflits et débats un peu trop vifs par une pirouette comique, ou un trait d'esprit. Mais ce n'est pas parce qu'on est agréable qu'on doit se laisser marcher sur les pieds, elle sait rendre les "politesses" lorsqu'on lui cherche des histoires. Elle se montre généralement discrète, ne cherchant pas à attirer l'attention sur elle. Disposant d'une bonne écoute, elle ne rechigne pas à donner son opinion ou un conseil, pour peu qu'on le lui demande. Elle n'intervient que rarement d'elle-même dans les débats et conversations, préférant écouter et analyser. Elle ne cherche pas à imposer ses idées, elle se contente de les soumettre, même si elle est tout à fait capable de les défendre. Son intelligence et sa culture lui permettent d'avoir des avis sur pratiquement tout, pour peu que le domaine l'intéresse. On lui prête souvent une sorte de charisme princier difficilement explicable, qu'on rattache parfois à ses bonnes manières. Son goût pour la musique et sa pratique lui valent les faveurs des artistes et des mélomanes. Malgré son aisance, elle n'est pas friande de ses représentations en public. Elle s'y présente surtout dans le cadre de son travail, et lors d'évènements en rapport avec la musique.

Par rapport aux vampires, l'affaire est tout autre. La jolie rousse est une vampire secrète et solitaire. Méfiante, elle ne se lie que rarement avec les autres, craignant d'y laisser des plumes. Elle restera toujours polie et courtoise, tant qu'on la respectera. Dans le cas contraire, elle enverra paître le malotru avec un dédain et un mépris digne de sa race. Elle n'a aucun problème avec la notion d'exécution de ses victimes pour peu que cela s'avère nécessaire. Même si elle apprécie de pouvoir chasser si elle juge qu'une personne mérite de mourir, dans l'absolue elle préfère acheter son sang. Elle est parfaitement à l'aise avec son statut de prédatrice mais elle rechigne à mordre. A ses yeux c'est un acte très intime et personnel, qu'elle ne se voit pas faire avec le premier venu. Si initialement elle faisait partie des vampires ancestraux, voici bien des années qu'elle s'est éloignée des intrigues vampiriques en général. Devenue une vampiresse libre, elle préfère vivre dans son monde. Si beaucoup apprécient son attitude à ne pas chercher d'histoires à personne, certains y voient un manque cruel d'ambition et d'implication, surtout au vue de son âge. Katyusha ne fait donc pas l'unanimité, mais elle se fiche éperdument de ce que l'on pense d'elle. A ses yeux personnes n'est digne de la juger, et l'avis d'autrui ne compte donc pas. Ce qui pour certains est un argument suffisant pour vouloir lui nuire.

Bien qu'il n'y ait que peu de personne pour en témoigner, c'est une vampiresse très friande de distractions.... Pas toujours très sages ! Son pêché mignon, semer la zizanie chez les humains. Pour cela, elle use et abuse de tous les moyens à sa disposition. Presque un sport pour elle, cela se traduit par des farces de tous poils, aux conséquences plus ou moins importantes. Un passe-temps qui pourrait lui attirer bien des ennuis, mais cela ne provoque généralement qu'une irritation chez ses victimes (pour peu qu'ils sachent qu'elle est derrière tout ça). Car ses mauvais tours, bien qu'agaçants, ne sont jusqu'ici jamais "graves" dans le sens où il n'y a pas mort d'hommes. Cela peut se traduire par des objets qu'elle dérobe dans l'unique but de les déposer dans des endroits improbables qui laissent tout le monde perplexe, à des entrées par effractions dans divers lieux pour le plaisir de faire courir les gardes dans tous les sens. Le diagnostique est sans appel, Katyusha est une sale gosse ! Qui exécute ses bêtises sans vergogne, mais toujours avec le souci de garder l'anonymat.

Mais ce besoin de distraction est en fait un besoin d'évasion, qui cache une réalité bien plus sombre. Il serait facile de s'y méprendre, surtout qu'elle semble encore jeune aux yeux d'une personne non avertie, mais Katyusha n'est absolument pas une femme-enfant. Il n'est pas rare qu'elle joue la comédie à ce sujet, mais ce ne sont jamais rien d'autre que des subterfuges. La vampiresse est terriblement lucide, sombre et désabusée. Ses jeux sont un moyen d'oublier. Oublier sa solitude, à la fois voulue et subie. Oublier les vampires qui l'ont si déçue. Elle avait espéré que leur éternité leur apporte un peu de sagesse, mais ils ont conservé tous les travers humains, ajoutant en plus un orgueil et un égaux démesuré. Elle méprise autant les humains que les vampires. Oublier ses espoirs, depuis longtemps étiolés. En silence, Katyusha est une vampire qui a longuement observé le monde et ses confrères vampires. Elle ne s'est pas trop occupée du cas des lycans, dont elle reste méfiante cela dit. Elle sait que certains tuent les vampires à vue et qu'ils peuvent être instables lorsqu'ils sont sous forme lupine. Néanmoins, elle restera courtoise et polie avec un lycan qui se montrera neutre ou amical. Elle a beaucoup réfléchis à ce que chacun était, aux évolutions de son environnement, peut-être trop même. Et les conclusions de ces études furent bien noires. Katyusha sait qu'elle ne changera pas le monde, et ne tente rien en ce sens. Toutefois, elle n'est pas prête à tout supporter sans rien faire.... Mieux vaut ne pas provoquer sa colère.

De part les tristes et douloureuses épreuves qu'elle a traversé, Katyusha n'a pas beaucoup de peur, et pour cause.... Elle a déjà plus ou moins tout perdu. Sa jeunesse, sa vie, sa famille, son amour, ses espoirs.... Néanmoins, il y a une chose pour laquelle elle se bat, une chose qu'elle a peur de perdre et qui peut la conduire à se montrer particulièrement violente et cruel.... La peur de perdre sa liberté. Plus précisément, de devoir obéir aux ordres d'un Maîtres ou tout autre supérieur, qu'elle n'aurait pas choisi. Sa liberté est à ses yeux l'un des premiers cadeaux de Tybalt.... Et elle lui avait promis de ne plus jamais laisser quiconque l'en priver.

Le passé qui m'a construit
S'il venait à y avoir un curieux qui chercherait les origines de Katyusha, qu'est-ce qu'il pourrait bien découvrir ? Rien. En terme d'informations officielles, nous avons droit une jolie histoire cousue de fils blancs. Aussi plate qu'ennuyeuse, terriblement mortelle pourrait-on dire. Fille de Machin et Bidule, elle a hérité d'une affaire familiale déjà très rentable qu'elle a su faire fructifier encore plus. Une sorte de Madame Tout-Le-Monde, mais dans l'univers des personnalités fortunées. Mais mise à pat cette identité de façade, il n'y a rien. Absofactolument rien. Et ce pour une simple et excellente raison.

Katyusha Orlov n'existe pas.....

L'histoire de cette vampiresse énigmatique commence avec un certain Alexandre, ou plutôt Alexandre Pavlovitch Romanov, dit Alexandre Ier. Un personnage au caractère farouche et pugnace, connu pour son alliance avec un certain Napoléon, dont il deviendra rapidement un féroce et éminent ennemi. Il combattra sa Némésis pendant presque dix ans, jusqu'à lui flanquer une raclée magistrale en 1814, l'incitant à aller guerroyer ailleurs, voir s'il y était. Alexandre est alors empereur de Russie depuis plus de dix ans. Alors qu'il savoure les fruits de sa victoire, il s'amourache en secret d'une femme, une irlandaise bourgeoise très fortunée. Un jour de Décembre 1823, son amante donne naissance à une petite fille nommée Katyusha. Malheureusement la pauvresse meurt en couche, et Alexandre se retrouve avec une enfant née hors mariage.... Qui se révèle être par ailleurs être un souci particulièrement fâcheux.

En effet l'homme a reproché à son frère cadet, sa situation matrimoniale alors discutable, usant de ce prétexte pour lui refuser l'accession au trône !  Fort heureusement, ce même frère refusa de lui-même le trône, évitant pour un temps seulement l'esclandre. Néanmoins ce n'était là qu'un cours sursit, et Alexandre avait également d'autres entreprises. En effet, il travaillait depuis plusieurs sur un projet de grande envergure.... Orchestrer sa propre mort. Chose qu'il réussit à faire, disparaissant donc officiellement en 1825, laissant à ses frères un trône et.... Une fillette. A présent qu'il était considéré comme mort, la vérité lui importait peu. Il la confia au benjamin de la fratterie, Nicolas Ier, lui expliquant dans une lettre l'origine de cette nièce. Si son oncle la fit élever avec les mêmes avantages et attention qu'une princesse, il ne s'en occupa pas pour autant. Katyusha fut donc confiée aux soins de nourrices et de précepteurs en tous poils pour assurer son éducation. Pendant que ses oncles se rejetaient mutuellement la responsabilité du trône, la fillette continua de grandir et de vivre dans le secret des palais royaux....

Ce fut une enfance de solitude et d'exclusion pour cette petite bâtarde, dont on espérait pas grand chose, sinon lui trouver une quelconque utilité une fois plus grande. Malgré le panel de serviteurs et employés qui gravitaient autour d'elle, elle n'avait personne avec qui tisser de liens réels et profonds. Katyusha s'enferma dans un monde de mutisme et d'introversion, puisqu'il n'y avait alors personne pour l'écouter ou simplement l'entendre. Elle trouva un échappatoire à travers ce qui allait devenir sa passion de toujours, la musique. Elle se démarqua rapidement auprès de son professeur de musique de l'époque, un certain Tybalt Allister. Il s'intéressa alors plus particulièrement à elle, persuadée d'avoir une jeune prodige entre les mains. Mais il découvrit également une enfant en souffrance profonde, qui se refermait de plus en plus sur elle-même. Il parvint à convaincre ses tuteurs de la prendre en pension comme élève particulière, jouant sur la possibilité d'un nouveau prodige de la musique. L'idée de parvenir possiblement à faire quelque chose de ce rejeton indésiré aidant, il obtint gain de cause. Dès lors, il œuvra activement à développer les talents de musicienne de la fillette, mais surtout à la faire s'ouvrir sur le monde. Il ne concevait pas de pouvoir exploiter toutes ses qualités si elle se détruisait de l'intérieur en parallèle. Katysuha s'accrocha à cette main tendue avec toute la force de l'espoir. Un pari risqué pour ce professeur, mais qui s'avéra payant. Gagnant en confiance et en quiétude, son élève se montra excellente et dépassa même ses attentes. Mais son élève grandissait également.... Et elle atteint un âge où il convenait de lui trouver un époux.

S'illustrer par la musique c'était une chose, mais pouvoir conclure des mariages arrangés profitables était une perception bien plus intéressante. On lui avait appris à parler plusieurs langues, toutes les règles de l'étiquettes et de la bienséance.... Elle était une excellente cavalière, et un très jolie brin de femme, outre sa chevelure rousse qui tranchait quelque peu dans le paysage. Il ne fut guère compliqué de lui trouver un partie acceptable. Mais cette pratique, pourtant courante à l'époque, écœurait au plus haut point Katyusha. Elle ne voulait pas d'un homme dans sa vie. Elle ne voulait pas que quelqu'un vienne la priver d'une liberté qu'elle n'avait même pas eu le temps d'étreindre. Elle voulait vivre pour sa musique, pour sa passion. Des revendications qui sombrèrent dans l'indifférence et le mépris. Tybalt tenta bien de la consoler, la rassurant sur le fait que cela ne l'empêcherait en rien de pouvoir continuer à jouer. Mais Katyusha demeurait sceptique.

Sceptique mais impuissante, elle ne put empêcher ce mariage avec l'homme qu'on lui avait choisi. Il était pourtant assez séduisant, et il avait même pour lui un certain charisme. Mais elle ne pouvait se résoudre à l'aimer. D'ailleurs son époux ne semblait pas forcément content de sa femme non plus. Qu'est-ce que c'était que ce roux flamboyant et tape à l’œil ?! Ne pouvait-elle pas être blonde comme l'étaient ses cousines ? Il avait fallu qu'elle hérite des vilains traits de sa mère ! Néanmoins, il n'avait pas perdu tout espoir pour elle. S'il devait passer une partie de sa vie avec cette femme, il fallait qu'elle satisfasse ses attentes, et il était prêt à s'en donner tous les moyens ! Christophe Dragonov était une personne énigmatique, terriblement ambitieuse, et encore plus orgueilleuse. Il comptait bien développer son empire financier au-delà de la Russie et à travers toute l'Europe. Il voulait faire de sa vie une réussite exemplaire. Christophe était un homme d'affaire accompli et implacable, qui avait pour projet de se faire un empire financier capable de soutenir ses futures implications poussées en politiques. L'intelligence et le patrimoine de Katyusha lui avaient valu d'être sélectionnée pour faire partie de son plan de carrière. Mais voilà que cette dernière se montrait réticente à vouloir s'impliquer, préférant s'obstiner dans sa musique. Il y avait même eu là des sujets de disputes. Mais Christophe ne comptait pas se laisser faire par une rouquine récalcitrante. Il allait simplement devoir ruser davantage.

Face au désastre de son mariage, la pauvre femme recommença à s'enfermer dans son monde. Elle trouvait quelques bouffées d'oxygènes auprès de son professeur de musique. Tybalt était devenu à la fois un père et un ami profond pour elle. Bien qu'impuissant face à sa détresse et à sa douleur, il se montra une oreille compatissante et attentive. Il fut le seul à l'encourager à garder espoir, l'invitant même à essayer de donner une chance à son mari. Mais le destin en avait décidé autrement. Face au caractère de sa femme, et son désintérêt pour le pouvoir, Christophe trouva réconfort auprès d'une autre femme, une belle brune du nom d'Aldeta, qui avait les dents aussi longues que les ambitions de Christophe. Elle se présenta en tout ce que Katyusha n'était pas. Une femme élancée et filiforme, aux cheveux noirs, passionnée par le pouvoir et l'argent.... Une femme qui se savait sensuelle, et qui savait user de ses charmes. Christophe ne tarda pas à en faire une amante, et tous deux se prirent d'une passion dévorante pour l'autre. Mais voilà..... Il y avait Katyusha. Elle était un véritable obstacle à Adelta, et Christophe ne pouvait pas se permettre de se séparer de son patrimoine. Il fallait qu'elle disparaisse....

Et le tempérament renfermé et secret de son épouse allait l'aider. Il comptait bien faire passer son meurtre pour un suicide, et son comportement habituelle allait lui servir de preuve supplémentaire. Il ne manquerait pas de fabriquer d'autres preuves pour renforcer son histoire. Un jour, Christophe proposa à sa femme d'aller à l'une de leur résidence secondaire. Cela avait surpris Katyusha, car jamais il ne lui avait proposé de l'emmener quelque part. Encore moins dans une de leur résidence de campagne. Il prétextait vouloir lui changer les idées. Touchée par cette attention, et se souvenant des conseils de Tybalt, la jolie rousse accepta. Elle prit soin d'écrire une lettre à son confident de toujours, soucieuse de le prévenir qu'elle s'absenterait, et aussi pour lui montrer qu'en dépit de son aversion, elle avait suivit son conseil. Le couple partit pour une résidence secondaire, qui n'était pas trop loin en fiacre, mais suffisamment éloignée pour être à l’abri des regards.... Et où il ne prit soin d'emmener que quelques domestiques.

Lorsqu'ils arrivèrent, Christophe avait finement orchestré son coup. En plein repas, une domestique apporta une lettre. On demandait d'urgence Christophe pour une affaire. Celui-ci s'excusa auprès de Katyusha, qui prit sur elle pour ne pas se montrer désagréable. Il lui promit de revenir le lendemain, et l'invita à poursuivre le repas sans lui. Mais en réalité, il se rendit à une réception, où se trouvait toute une partie du beau monde, et qui lui assurait un alibi en béton.   Rusé l'homme avait prit soin de répandre son désir de retraite en campagne avec sa femme. Ce qui fit qu'on s'étonna de sa présence en ces lieux, là où on l'aurait cru avec son épouse. Il raconta alors qu'il avait eu des mots avec cette dernière, et qu'ils s'étaient quittés en mauvais terme. Il rajouta avec audace préférer être ici à se changer les idées, et laisser sa femme se calmer ! Sur cette dispute de couple parfaitement banale qui avait fait rire ces messieurs, et qui allait faire cancaner ces dames pour le reste de la soirée, il s'en alla profiter des réjouissances.... Pendant que son plan se mettait à exécution.

La domestique qui avait apporté la lettre pendant le repas n'était autre qu'Aldeta. Grimée en servante, elle avait les clefs et accès à tous les lieux du domaine..... Alors que Katyusha s'était enfermée dans sa chambre pour se coucher, il était l'heure pour la maîtresse de frapper. Elle y gagnerait un époux, une situation confortable, tout ce qu'elle pouvait rêver.... Elle n'avait juste qu'à attendre que sa victime s'endorme. Mais Christophe n'avait pas prévu que la nouvelle de la dispute viennent aux oreilles d'un des musiciens de la soirée..... Qui n'était autre que Tybalt. Craignant que sa protégée soit dans un état déplorable, il s'éclipsa pour s'en aller la rejoindre et la consoler. Il se sentait quelque peu responsable de la situation, se souvenant encore de sa lettre où elle lui annonçait qu'elle avait suivi ses conseils, et donné une chance à ce rustre.... Gaillard habile et débrouillard, il arriva sous la lueur de la lune. Cherchant les fenêtres qui donnaient sur la chambre la plus spacieuse, il escalada le lierre qui menait au balcon. Mais à peine avait-il fini son ascension qu'il vit la porte de la chambre s'ouvrir de l'extérieur. Il eu tout juste le temps de se cacher, très étonné puisqu'il avait vu Katyusha couchée dans son lit.

Mais lorsqu'il vit la silhouette s'approcher de Katyusha, il ne comprit que trop tard. Il s'élança à travers la vitre provoquant un fatras épouvantable, mais la lame avait déjà pénétré le torse de Katyusha. Aldeta fit volte face en poussant un cri, mais elle n'eut pas le temps de faire plus de bruit que Tybalt l'assomma d'un coup de poing bien senti ! Laissant la meurtrière choir au sol, il se précipita vers son élève qui agonisait. Si Katyusha ne comprenait pas encore ce qui lui était arrivé, Tybalt lui avait tout de suite fait le rapprochement. La coïncidence était beaucoup trop énorme ! Et il s'en voulait d'autant plus.... La malheureuse victime lançait un regard apeuré et confus à son ami, dont la présence était un peut-être son dernier réconfort....

-Ty.....Balt.....

-Chuuuuut, ne dites plus un mot, économisez vos forces ! Vous en aurez besoin pour guérir !

Malgré des larmes qui coulaient sur ses joues, la jeune femme lui adressa un sourire, répliquant péniblement.

-Ty....Balt.... Je.... Meurs.....

Cette vérité fut de trop pour son professeur. Voyant son élève fermer les yeux.... Il céda à la panique et à l'impulsivité. Se mordant la joue, il vint lui déposer un baiser mortel.... Il n'avait pas pu se résoudre à l'observer mourir sans rien faire. Pas son élève, pas son prodige, pas sa protégée.... Pas après qu'elle l'ait écouté. Il ne savait pas s'il allait regretter son geste ou pas, surtout qu'il venait d'assurer à la pauvresse une agonie qui allait durer des heures. Les domestiques arrivèrent, découvrant une scène d'horreur. Sur un ton autoritaire, Tybalt leur invectiva de ligoter la meurtrière, et d'appeler un médecin de sa connaissance. Un vampire qui ne viendrait pas poser de question, et qui permettrait d'assurer ses arrières. Heureusement pour la jolie rousse, elle finit par sombrer dans l'inconscience. On trouva sur Aldeta une fausse lettre d'adieux, et il ne fut dès lors guère compliqué d'incriminer son amant dans la foulée. Néanmoins, une fois encore cette histoire fut tenue secrète. On ne voulait pas qu'il soit dit qu'un malfrat avait réussi à flouer les Romanov ! Toutefois, ce n'était pas pour autant que la colère de ces derniers allait s'en trouver amoindri.

Alexandre II, le cousin de Katyusha, venait à peine d'accéder au trône. Et il se révéla absolument furieux de cette attentat contre un membre, même bâtard, de sa famille. le jugement se passa en huit clos et le mari et son amante furent exécuter dans la foulée. Cependant, ce ne fut pas suffisant aux yeux de Tybalt pour laisser les choses reprendre leur cours. Il craignait qu'on ne trouve un nouveau mari à Katyusha, et cette dernière était entrain de devenir une vampiresse.... En accord avec le médecin vampire, et au diapason du père de Katyusha, on fit croire à la mort de cette dernière. Elle n'aura pas survécu à sa blessure. Alexandre II voulut lui offrir des funérailles digne de son titre, mais étant Katyusha étant bâtarde, on lui refusa ce privilège. Elle mourut presque dans le même anonymat qui avait entouré sa naissance....  Ironie du sort, bien des années plus tard, Alexandre III aurait mené enquête sur les disparitions floues de Alexandre Ier et de sa fille. Mais on raconte que lorsqu'il fit ouvrir leurs cercueils, ils étaient vides.....

Une fois sa transformation achevée, Tybalt avait emmené Katyusha avec lui. Le pauvre homme s'inquiétait sérieusement de la suite des opérations. Et la nouvelle fut effectivement particulièrement déstabilisante pour la nouvelle vampiresse. Son Maître de musique, un vampire, venait de la transformer pour.... La sauver ? En y réfléchissant, elle se trouva stupide de ne jamais avoir eu de doutes. Des cours exclusivement à la tombée de la nuit, son Maître qui ne semblait jamais vieillir.... Il y avait eu des signes, mais elle était alors si innocente. Encore très confuse, elle ne savait si elle était en colère, ou choquée, ou tout autre chose. Mais finalement.... Elle s'avéra infiniment soulagée. Elle n'était plus la femme d'un homme qui avait manqué de la tuer. Elle n'était plus le vilain petit canard de sa famille, qui ne savait que faire d'elle. Elle était.... Libre.

Les débuts ne furent pas simple pour autant. C'était une nouvelle non-vie à apprendre. C'était accepter de boire du sang. C'était renoncer au soleil.... Et pourtant.... Elle se sentait de nouveau heureuse. Elle était avec son meilleur ami, et plus personne ne viendrait dicter sa vie. Tybalt était un vampire ancestral dans l'âme, respecté des siens, et déjà d'un âge très avancé. Mais son élève n'était pas ressortie indemne de sa malheureuse expérience....  Katyusha avait appris très tôt à quel point elle était fragile et vulnérable. A quel point il était si facile de se faire manipuler. Avec quelle finesse on pouvait jouer sur ses passions, sur le peu de chose qui lui était cher, pour parvenir à ses fins. Et à quel point sa non-vie ne valait rien aux yeux des autres vampires…. Ce fut là le revers de la médaille. Si elle avait gagné très vite en maturité, elle était devenue excessivement méfiante. Longtemps, elle refusa de côtoyer d’autres vampires, fuyant purement et simplement les lieux lorsque Tybalt essayait d’introduire subrepticement ses connaissances pourtant les plus fidèles. Mais le vampire ne se décourageait pas pour autant. Déjà multi-centenaires, il n’était pas du genre à reculer devant la difficulté, au contraire. Il l’affrontait comme un défi. Il travailla sans relâche pour instaurer une confiance inébranlable entre eux. Jusqu’à ce que finalement, au détour d’un banc….

-Pourquoi m’avoir sauvé Tybalt ? Pourquoi ne pas m’avoir laissé à mon triste sort ? Après tout…. Vous ne me deviez rien…. Par ailleurs…. A entendre ce rustre, je n’ai rien pour moi. Une mauvaise épouse, même pas jol…..

-Une absurdité de plus, et je vous arrache les oreilles.

Tybalt ne s’était absolument pas montré agressif dans ses propos, mais Katyusha ne pipa plus un mot quand même. Son mentor reprit alors.

-Je vous le concède, les vampires ne sont pas forcément de nature altruiste. Mais enfin Katy, vous n’êtes pas non plus une parfaite inconnue à mes yeux. Je vous ai vu grandir. Je vous ai vu commencer à vous épanouir, jusqu’à ce mariage arrangé catastrophique. Et si cet empaffé avait eu un minimum d’intelligence, il aurait pu voir tout le potentiel que vous avez. Mais cet homme-là était aussi aveugle que si on lui avait pincé les yeux au fer rouge. Vous, une femme médiocre, faut-il vraiment être sot pour vous méconnaître de la sorte. Vous ne m’enchanteriez pas à chaque fois que vous touchez un violon si vous étiez un si mauvais cas. La vérité est surtout que cette erreur de la nature était un observateur des plus effroyables ! Quant à son goût en matière de beauté féminine…. Heureusement qu’on ne comptait pas sur lui pour établir les canons de la beauté ! Nous n’aurions eu droit qu’à des boulets bien fades !

Il avait réussi à la faire rire. Il aimait son rire…. Si pure, si sincère…. Mais surtout, il se réjouissait d’avoir réussi à donner un peu de baume à la confiance de Katyusha. Sa confiance envers lui, mais aussi et surtout en elle-même. Son attention et sa dévotion eurent raison des plaies et des peines de la vampiresse, qui commença de nouveau à s’ouvrir au monde. Si elle avait survécu à ses tourments, ils l’avaient dorénavant rendu plus forte, et plus assurée. Elle ne faisait toujours pas confiance aux autres vampires, mais elle ne les craignait plus de manière si viscérale. Elle avait appris les règles de leurs jeux dangereux. A force de démarche administrative et de pots de vin, elle avait réussi à reprendre le nom d'une de ses grandes-tantes, tournant définitivement la page sur ce triste épisode de son existence. Tybalt ne regretta en aucun instant son choix. Il avait dû faire des efforts et ne pas faiblir, mais comme il l’avait toujours su, Katyusha se confirma être une excellente élève. Elle était curieuse, retenait vite, et son professeur avait des siècles d’expériences à lui partager.

Il lui racontait ses voyages, ses rencontres, les autres peuplades qu’il avait pu côtoyer…. Mais aussi les dangers de ce monde, et toutes les subtilités de l’univers des vampires. Il lui enseigna également le maniement des armes de son époques. Mais il ne se cantonna pas à partager son savoir. Tous deux partagèrent leur amour pour la musique. Katyusha avait maintenant un niveau égal au sien. Et lorsqu’ils jouaient, c’était comme une conversation où chacun se répondait avec harmonie et justesse. Tybalt composait des partitions, et il commença à en écrire rien que pour elle. Elle savait toujours les interpréter avec la justesse et l’émotion qu’il imaginait. Il était fier, confiant, et désireux de la voir développer toujours plus de talents, aussi il l’incita à commencer elle aussi à composer. Elle fit ainsi ces débuts sous l’œil attentif et bienveillant de son maître. Ce qui n’empêcha pas Katyusha de commencer à développer ses petits travers….

Ainsi, un soir, on avait pu voir un militaire courir en pestant et jurant contre une silhouette dissimulée sous une ample cape à capuche, qui lui avait vraisemblablement volé une clef. Le pauvre homme était si concentré à essayer d’embrocher ce vil et incroyablement rapide voleur, qu’il ne vit pas que ledit malfrat le faisait foncer tout droit contre un arbre. Le choc fut violent, et l’homme tomba à la renverse, alors que sa clef tombait à ses côtés elle aussi. Jurant comme un charretier, le militaire se releva rapidement, cherchant de tous les côtés cet infernal chapardeur…. En vain vu l’obscurité. Il ramassa sa clef rageusement et partie en bougonnant. A l’abri de l'angle d’une maison, Katyusha pouffait de rire en se tenant les côtes, jusqu’à ce que….

-Mademoiselle Katyusha !

~Misère !~

La délinquante prise la main dans le sac se tourna pour faire face à un Tybalt, qui la fixait les bras croisé, l’air mécontent.

-Non mais, vous n’avez pas honte ?! Vous comportez de la sorte ? Vous vous prenez pour une enfant ?! Combien de fois vous ai-je dis d’arrêter d’embêter les autres ?! Vous allez me faire le plaisir de grandir un peu !

-De grâce Tybalt, j’ai l’éternité pour cela, ne me faites pas vieillir trop vite.

-Continuez de vous comporter comme une fillette infernale, et je vous traiterais comme telle en vous enfermant dans vos quartiers !  

-Soyez bon prince, et admettez que cette farce vous a fait sourire.

-Si j’eus été un Prince, je vous aurais fait tailler les oreilles en pointe, chipie ! Rentrons, et tâchez de vous trouver des distractions plus convenables.

Malheureusement pour Tybalt, Katyusha ne cessa pas ses exactions juvéniles pour autant. Mais il était difficile de la rappeler à l’ordre, alors que ses pitreries le faisaient souvent rire sous sa cape. Elle était pénible, mais elle ne faisait jamais réellement de mal à personne, et elle prenait toujours un grand soin à ne pas éveiller de soupçons…. Il veilla simplement qu’elle laisse suffisamment de répit à ses pauvres victimes pour se remettre entre deux méfaits. Les années se muèrent en décennies, pendant lesquelles la complicité entre les deux vampires les conduisit à devenir semblables à des âmes sœurs. En protecteur soucieux et avisé, Tybalt aida Katyusha a récupérer une affaire de sa mère dans le domaine de la joaillerie et des pierres précieuses. Il voulait lui assurer un avenir financier afin qu'elle puisse vivre son éternité dans les meilleurs conditions. Bien que ce n'était pas là le domaine de prédilection de la jolie rousse, elle se montra investie dans son affaire. L'aspect artistique de la profession dans la réalisation de bijoux n'étaient pas étranger pour son engouement. Et ironie du sort.... ce fut également cette profession qui l'amena à se rapprocher de sa famille !

En effet, il s'avéra que les Romanov furent très friand de ses créations. Une clientèle particulière mais fortunée. Katyusha ne les rencontra en personne que quelques rares fois.... Ce qui lui avait d'ailleurs demandé de changer d'apparence pour éviter qu'on puisse la reconnaître.... Surtout que certains avaient encore en tête les enquêtes farfelues d'Alexandre III ! Outre cela, ce contexte particulier lui permit de se rapprocher des siens, et notamment de ses arrières-petites-nièces. Tybalt n'était pas mécontent de ce coup du sort, outre le confort financier, il voyait Katyusha enfin profiter de ceux qui étaient les siens. Les visites des femmes Romanov étaient fréquentes, Alexandra étant à l'affut d'une folie à s'offrir à elle ou à ses filles. L'entente était chaleureuse, et tout semblait parfait.... Mais l'histoire en décida autrement....

1917, la révolution éclate en Russie, et Katyusha assiste impuissante à l'arrestation des siens. Elle tente d'organiser une fuite pour eux vers l’Angleterre, mais le temps joue contre elle. Un an plus tard, et alors que tout était enfin prêt, des Bolchéviks sous ordre de Lénine frappent les premiers. Et les derniers représentant de sa famille se font tous exécuter dans un massacre barbare et abominable. Lorsqu'on retrouve les corps, Katyusha s'effondre devant les dépouilles atrocement mutilés d'Olga, Tatiana, et Maria. Anastasia et Alexis avait été carrément réduit en cendres. Katyusha est cette fois définitivement seule, dernière survivante des Romanov. Tybalt décide alors de lui faire quitter la Russie pour l'emmener en France. Il espère que ce pays lui permettra d'oublier son chagrin. Pays sensibles aux arts et à la musique, Katyusha commençait à peine à se remettre de ses deuils que de nouveau, le sort s'acharna....

Septembre 1939, la seconde guerre mondiale éclate. Katyusha est fatiguée des conflits incessants des humains. Mais cette fois pour Tybalt, il n'est plus possible de rester en dehors d'un conflit qui devient rapidement planétaire. Alors qu'ils avaient quitté la France pour l'Amérique, il avait pris la décision de s'impliquer dans cette guère. Non pas que les revendications des humains l'importaient réellement, mais il avait lui-même des intérêts qui étaient menacés. Il avait longuement hésité à laisser sa protégée toute seule mais.... Katyusha était grande à présent. Elle n'était plus cette jeune vampiresse naïve et candide qu'il avait arraché à la mort. Elle avait beaucoup muri et grandit au fils des années, et les expériences douloureuses qu'elle avait pu vivre l'avait endurci. Elle était intelligente, autonome.... Elle avait toutes les cartes en mains pour pouvoir se débrouiller seule pendant son absence. Il avait l'impression qu'elle avait appris si vite….

-Hé bien Sire T, quel vilain vague à l’âme vous avez là….

-Ma chère Lady K, votre compréhension de mes humeurs devient effrayante.

Katyusha adressa un sourire bienveillant à Tybalt qui l’invitait à s’assoir avec lui sur la balancelle. Et alors qu’elle prenait place à ses côtés, il lui dit en observant la lune.

-La vie est absurde, vous ne trouvez pas ?

-La mort n’est pas plus sage….

-C'est juste.

-Nous sommes éternels. Nous ne vieillissons pas, mais nous pouvons être tués. Enfin, quand on voit la mentalité de certains vampires, je me demande parfois si nous ne vieillissons pas quand même….

Elle se tourna vers son vieux maître un petit sourire en coin.

-Peut-être que nous sommes simplement trop lent à la détente pour mourir convenablement ?

Elle avait réussi à lui arraché un rire qui lui réchauffa le cœur.

-Ha ma chère Lady K, si vous n’existiez pas, il aurait fallu vous inventer.

-Adressez-vous à Pandore, elle a déjà ouvert sa boîte une fois, elle pourra peut-être la rouvrir pour me réinventer ?

Elle aimait le voir rire…. Parvenir à l’arracher à ses sombres pensées, à ses tracas. Elle passait à présent le plus clair de son temps à cela. Le faire rire, le distraire, lui faire oublier…. Mais que pouvait-elle faire face au aléas du destin ? Elle le savait, elle ne pouvait jamais que faire reculer l’échéance. Cela l’accablait et la tuait de l’intérieur. Il était tout pour elle, et elle était devenue tout pour lui. Il était son Sire T et elle sa Lady K. Il y avait entre eux un amour profond et inexplicable, un amour platonique qui se laissait aller parfois à quelques gestes affectueux. Il y aurait certainement pu y avoir plus, mais ils avaient hérité de cette pudeur dans leurs sentiments, et surtout de cette peur. Celle de briser cette merveilleuse et unique alchimie qui les liait. Toutefois, cela ne serait pas suffisant pour que cette fois ils puissent rester l'un avec l'autre. Katyusha le savait, elle le sentait. Et elle allait devoir se faire violence pour le laisser partir, le temps qu'il règle ses affaires.

-Ce monde va me paraître bien vide….

-….

-Je parcours ces terres depuis plus d'un siècle, mais j'ai l'impression que les prochains temps vont me paraître une éternité.

Katyusha s’efforçait de rester digne, bien qu’elle aurait tant voulu pouvoir fondre en larmes. Mais elle ne pouvait pas faillir, sans quoi Tybalt n’aurait jamais le cœur de faire son voyage.

-Je ne peux pas me permettre de laisser ma précieuse Lady K seule. Une demoiselle si adorable sans personne pour la protéger…. On verrait les hommes se changer en loups pour se ruer sur cet adorable petit chaperon rouge !

-Mais c’est un autre loup qui se cache sous le chaperon….. Mère-grand a œuvré si dur pour que je sois prête à me débrouiller seule. Il serait injuste que tous ces efforts aient été fait en vain. C'est l'occasion de montrer à quel point je suis une élève prodige, et ô combien Mère-grand peut-être fière de son dur labeur. Je suis certaine que nous saurons fêter nos retrouvailles dignement !

-.... Vous avez tant grandi….. Ma précieuse Lady K…. Et vous avez plus de bon sens et de sagesse que bien des vampires ! Je suis intimement persuadé que vous sauriez vous imposer en modèle parmi les nôtres mais.... Vous être bien trop sage pour vous laisser tenter par les sirènes du pouvoir.... Et c'est là l'une de vos plus belles qualités.

Il vint poser sa main sur celle de sa protégée, et tous deux restèrent un moment ainsi, silencieux. Jusqu’à ce qu’enfin, Tybalt ne rompt le silence.

-Vous avez été….. Ma plus belle et ma plus grande réussite. Jamais je n’aurais cru pouvoir être si fier de vous et de ce que vous êtes devenus.

-C’est parce que j’ai eu un bon professeur…. Mon cher Sire T.

-Et pourtant, il vous faudra tout votre courage et toute votre pugnacité pour la suite, ma chère Lady K…. Les prochaines temps qui vous attendent, risque d’être particulièrement éprouvants.

-Cela doit se faire tôt ou tard….

-Promettez-moi…. De ne jamais laisser quiconque semer le doute en vous, sur vos qualités et vos compétences. Votre esprit atypique, et même vos bêtises sont autant de caractéristiques uniques qui font toute votre rareté, et votre beauté. Promettez-moi de ne laisser personne vous faire souffrir ou vous contraindre. Il n’y a pas une créature sur cette terre qui mérite la moindre de vos larmes. Protégez votre liberté…. Et ne cessez jamais de faire chanter vos instruments, ni d’écrire pour eux.

Katyusha déglutit, resserrant sa main sur celle de Tybalt pour se donner un peu de courage et de contenance alors qu’elle se sentait aux bords des larmes.

-Vous êtes une femme…. Merveilleuse et unique. Vous avez été le diamant brut de mon existence. Et je suis honoré d’avoir pu faire de vous le diamant rouge de mes nuits.

-Sire T, de grâce….

Des sanglots dans la voix, elle lui implorait d’arrêter avant qu’elle ne puisse plus tenir. Mais lui-même peinait à retenir ses larmes.

-Votre fougue et votre détermination sont vos forces, bien plus que n’importe quel pouvoir ne pourra l’être…. Ne l’oubliez jamais.

-Voulez-vous bien cessez de parler comme si vous n'alliez jamais revenir ?! Car je vous le dis sans détour, je vous interdis de mourir, vous m'entendez ?! Vous vous débrouillez comme vous le souhaitez, mais vous me revenez au plus vite !

Tybalt acquiesça, un sourire triste mais convaincu aux lèvres. Ce fut à son tour de resserrer sa main sur celle de Katyusha, avant de finalement se lever. Katysuha reprit son souffle, parvenant à peine à le regarder. Il glissa délicatement sa main sous la sienne, la levant vers son visage pour un baisemain…. Avant de se saisir d’une de ses longues mèches de cheveux roux entre ses doigts, et de déposer un tendre baiser dessus.

-"Longue vie",  diamant de mes nuits…. Ma Lady K….

-Bon voyage..... Mon Sire T….. A bientôt.

Le vampire s’éloigna, laissant sa protégée sur la balancelle. Chacun devinait que l’autre pleurait à chaude larme, mais chacun se tut. Ce fut la dernière fois que Katyusha vit Tybalt…. Le malheureux était retourné au Havre pour ses affaires, mais la ville fut complètement rasée par les bombardements. Que pouvait un vampire même multi-centenaires face à des explosions de bombe ? La nouvelle accabla la vampiresse qui refusa de croire à la mort de son mentor. Elle lui écrivit des lettres où elle annonçait son retour en France, où elle lui annonçait qu'elle allait le chercher, le retrouver..... Mais son propre bateau fut la proie de sous-marins allemands. Seule survivante, malgré le contexte de guerre et l'ambiance apocalyptique elle chercha pendant des années la trace de Tybalt.... En vain. Inconsolable, et alors que la guerre s'était terminée, la vampiresse se lança dans un tour du monde, à la recherche d'un endroit où elle se sentirait plus ou moins chez elle. Un lieu où elle pourrait vivre avec ses souvenirs et sa mélancolie. Mais au fil des décennies, il lui apparut qu'aucune place ne rendrait sa douleur plus vivable. Le monde continuait d'avancer. A présent l'existence des vampires et des lycans n'étaient même plus un secret. Les vampires s'étaient récemment scindés en clan rivaux.... Et les tensions n'avaient pas épargné Katyusha.

Tybalt l'avait élevé dans la mentalité des ancestraux. Elle affichait d'ailleurs toute la noblesses propre à ce clan. Mais la vie avait été si dure.... Les humains l'avaient fait tant souffrir.... Privée de son Mentor, son esprit et son cœur s'étaient assombris. Gerald, le docteur et ami de tybalt avait assisté impuissant à cette évolution. Et après avoir surpris Katyusha avoir chassé un humain et l'avoir tué, il la reprit avec autorité.

-Katyusha ! Vous avez perdu la tête ?! Qu'est-ce qu'il vous prend ?!

La vampiresse se tourna lentement vers lui, l'air impassible, lui répondant posément.

-Je n'ai fait que tuer un homme qui avait eu le mauvais goût de penser qu'étant une femme seule, j'étais une proie facile.

-Ne me prenez pas pour un idiot ! Je vous ai vu le poursuivre et jouer avec !

-Je n'ai jamais dis que je n'avais pas pris plaisir à me défendre.

-L'effrayer aurait été amplement suffisant ! Vous l'avez traqué, et vous l'avez empêché de fuir !

-Il ne se serait pas montré aussi clément avec moi si j'avais réellement été faible et sans défense.

-Vous n'avez pas le droit de décidé s'il a le droit de vivre ou mourir comme ça !

-..... Et de quel droit vous permettez-vous de me dicter ce qui est juste ou pas ? Ce qui est convenable ou pas ? Ce que j'ai le droit de faire ou pas..... ?

-Nous suivons tous des règles pour assurer la pérénnité des nôtres, et jamais Tybalt n'aurait....

-JE VOUS INTERDIS DE PARLER EN SON NOM ! VOUS N'ÊTES PAS DIGNE DE PRÉTENDRE CONNAITRE SES PENSÉES ET SES AVIS !

Gerald fut troublé par ce soudain accès de colère noire de la vampiresse. Jamais il ne l'avait vu s'énerver, et encore mois de manière aussi violente. Déglutissant, bien qu'il n'avait pas peur, il ajouta gravement.

-.... Vous allez rejoindre les idéaux de ces sanguinaires ?

-Je ne vais rejoindre les idéaux de personne ! Je suis fatiguée de toutes ces bêtises, de tous ces dogmes, et de ces querelles puériles qui séparent les vampires ! Vous ressemblez à des enfants en bas âges qui se disputent pour déterminer la couleur de leur couche ! Si vous n'avez rien d'autres de mieux à faire pour passer votre éternité, grand bien vous fasse ! Pour ma part je prends congé des ancestraux et des sanguinaires !

Et sur cette tirade courroucée, la rousse sulfureuse tourna les talons, et laissa en plan Gerald, qui demeurait pantois. Il poussa un soupire, regrettant l'absence de Tybalt en cet instant. Il pensait que ce n'était là qu'une crise, que Katyusha allait retrouver la raison, et revenir parmi les ancestraux. Il espérait juste que les Sanguinaires n'allaient pas en profiter pour l'attirer dans leur filet. Il y eut des tentatives.... Mais à chaque fois Katyusha avait repoussé les offres.... Avec plus ou moins de diplomatie selon la manière dont on l'avait abordé. Une consolation réconfortante pour Gerald, mais.... Les années passaient..... Et Katyusha ne revenait pas vers les ancestraux. Elle était partie s'installer à Londres, où une de ses succursales connaissait une expansion grandissante qui lui demandait sa présence pour pouvoir la chapeauter correctement. Gerald espérait que ses contacts sur place parviendrait à ramener Katyusha chez les ancestraux. La ramener dans le "droit chemin"..... Il était persuadé que cela aurait été un souhait de Tybalt. Et il espérait que sa protégée ne bafoue pas son héritage.