Léolia Deletraz

Le physique qui me différencie
Allongée sur son lit, ses longs cheveux, blancs comme neige, s’éparpillaient sur sa couverture. Léolia rêvassait, un livre dans la main. Ses yeux, bleus comme le ciel, commençaient à se fermer. Bientôt, on ne put distinguer que le noir de l’eyeliner et du ricil. Soudain, elle sentit son téléphone vibrer. De sa petite main blanche, elle l’attrapa et alluma l’écran. Son regard se concentra sur le nom qui s’affichait : « Mana ». Son frère. Son visage s’éclaircit. Elle se redressa promptement et se mit à répondre. Ses doigts fins se baladaient sur l’écran avec une dextérité à toute épreuve. Une fois la réponse envoyée, elle posa son téléphone.

« 16h ? Marina est sans doute sur le chemin. Je devrai me préparer » se dit-elle.

Elle se leva doucement et se dirigea vers son armoire. Dedans, les couleurs dominantes étaient le noir et le blanc Elle prit les premiers vêtements qu’elle vit et les enfilèrent. Elle se regarda dans la glace et remit du noir sur ses lèvres. Enfin, elle ajouta un collier ras-de-cou.

« C’est mieux comme ça. »

Elle s’observa encore quelques minutes histoire de vérifier que tout était en ordre. Son haut, noir avec l’inscription « Rock’N’Roll » laissait dévoiler un corps de femme. Elle était fine et son teint de peau lui donnait un aspect angélique. Elle regarda son bras. Dessus, elle avait fait inscrire des mots : « N’oublie jamais ». C’était son seul tatouage. Il signifiait beaucoup pour elle.  Après une analyse de son apparence, elle chercha sa veste fétiche : une veste bleue-gris que lui avait donné son frère quelques années auparavant. Elle se dirigea vers la porte de sa chambre.
Au moment d’ouvrir sa porte, son chat retint son attention.

« Je devrai peut-être voir si Macha a tout ce qu’il lui faut avant de partir. »

Macha la suivit. Il la suivait partout. Léolia était folle de son chat. C'était un bébé de 4 mois. Il était tout noir et avait des yeux sombres. Elle l’avait trouvé dans la rue, il n’avait qu’une semaine. Elle avait promis à ses parents de s’en occuper sans leur aide. Elle alla dans la cuisine et remis à manger dans la gamelle. En regardant l’heure, elle se rendit compte de son retard. Elle courut vers l’entrée et opta pour ses chaussures habituelles : des tennis noires, simples et pratiques. Après avoir pris son sac et ses clés, elle ouvrit la porte d’entrée, referma à double tour derrière elle et se mit à courir en direction du centre-ville.

« être en retard alors que je dois lui annoncer la nouvelle … »

Le psychologique qui m'habite
Arrivée sur la place du marché, elle aperçut son amie. Elle se dirigea vers elle avec un pas pressant. Elle était stressée. Très stressée. Elle devait lui annoncer. C’était bizarre. Lui dire qu’elle allait quitter Luton du jour au lendemain. Marina aurait pu ne pas comprendre. Elle aurait pu se sentir abandonnée. Léolia ne savait pas comment lui dire. Elles se saluèrent en se câlinant. Léolia était une personne très démonstrative et était très attachée à ceux qu’elle aimait. Mais Marina était sa seule grande amie. Et si elle l’abandonnait ?

« Je dois te dire quelque chose Marina. ». Elle s’assit sur un banc

Léolia prit une grande inspiration pour se calmer. Elle qui parlait beaucoup d’habitude ne savait pas comment s’exprimer. Elle semblait perdue. Mais elle ne voulait pas se laisser abattre. Marina semblait de plus en plus inquiète. Elle ne disait rien et observait sans broncher. Léolia ouvrit la bouche et expliqua :

« Je pars à Londres le weekend prochain. J’ai été accepté en droit à l’université de Londres. Je vais rejoindre mon frère là-bas. J’espère que tu ne m’en veux pas ».

L’apparence fragile de Léolia disparu. Son regard ne montrait que détermination. Elle semblait être une toute autre personne. Comme si elle avait rassemblé toute sa volonté pour tout avouer à son amie.

Marina était triste mais l’encouragea. Après tout, c’était son rêve et elle savait que Léolia ne s’arrêterait pas tant que le but n’était pas atteint. Cette dernière prit son amie dans ses bras.

« Ne t’inquiète pas Mari. Je t’appellerai et je te raconterai tout. Quand j’aurai trouvé un petit boulot et un appartement, tu pourras même venir me voir ».

Le stress retomba avec violence. Léolia respira à nouveau. Elle commença à parler sans s’arrêter. Elle ne savait plus ce qu’elle disait. Son esprit s’emballait. Elle parlait de plus en plus fort et on ne pouvait plus deviner de sentiment sur son visage. Elle passait par toutes les expressions : de l’inquiétude à la joie en passant par un soupçon de colère. Mais Marina, habituée à ces situations, posa sa main sur son épaule et se mit à parler calmement. Elle était la seule au courant de son passé. Elle savait tout. Elle savait que Léolia était forte, mais elle ne pouvais pas ne pas s'inquiéter. Elle connaissait sa peur des hommes. Seul son frère et son père étaient acceptés. Elle espérait que son frère prenne soin d'elle.

Après plusieurs heures passées ensemble à discuter de tout et de rien, les deux filles se séparèrent et rentrèrent toutes les deux chez elle.

Stressée, bavarde, démonstrative, forte, déterminée, aimante et bienveillante. Parfois instable.

Le passé qui m'a construit
Sur le chemin du retour, Léolia se mit à penser. Elle franchissait une nouvelle étape dans sa vie. Mais qu’avait-elle vécu jusque-là ? Ses écouteurs dans les oreilles, elle pensa à tout ce qu’elle avait traversé.

Elle pensa d’abord à son enfance heureuse avec son frère à Strasbourg. Les meilleures années de sa vie. Elle ne pensait qu’à jouer avec son frère. Elle ne voulait que l’amour de sa famille. Il n’y avait rien de compliqué en ce temps-là. Elle souriait en marchant au rythme de sa musique. Quand soudain, son esprit s’arrêta sur son frère. Elle se rappela des épreuves qu’ils avaient traversées ensemble. Le jour où elle découvrit son addiction à la drogue, elle avait décidé de prendre soin de lui et de le protéger contre vents et marées. Elle avait tout avoué à leurs parents. C’était le seul moyen, à cette époque, de lui venir en aide.

Elle suivit le fil de ses pensées. Elle se rappela de la France et de tous les gens qu’elle avait rencontré. Elle pensa à l’école et au collège. Elle y avait eu de bonnes amies. Mais elle s’arrêta sur l’événement qui fit d’elle ce qu’elle était. Le jour où tout bascula. Le jour où elle cru mourir.

Elle était sortie le soir car elle devait aller à une soirée chez une copine. Elle se perdit. Elle n’avait pas de téléphone à l’époque. Finalement, après une trentaine de minute de marche, elle se retrouva dans une ruelle face à un homme. Elle se souviendrait toujours de cet homme. Il était grand et plus âgé qu’elle. Elle était tétanisée face à lui. Il s’approcha d’elle rapidement et lui attrapa le bras. Elle ne savait plus quoi faire. Après lui avoir chuchoté des mots répugnants à l’oreille, l’homme lui arracha le petit pantalon qu’elle portait et baissa le sien. Il la plaqua au sol avec une telle force que sa tête heurta violemment le béton. Elle du prendre quelques secondes pour se rendre compte qu’il était au-dessus d’elle. Elle senti quelque chose lui toucher la jambe et lorsqu’elle reprit tous ces esprits, elle commença à hurler à l’aide de toutes ses forces. L’homme ne la lâcha pas et se mit à approcher de son entre-jambe. Elle continua à hurler et tenta de se débattre mais rien à faire. Il l’utilisait comme une vulgaire poupée. Elle ne pouvait que pleurer. Mais avant qu’il n’ait pu finir, elle senti l’homme se séparer brusquement d’elle. Elle ouvrit les yeux et vit son frère plaquant l’agresseur sur le mur. Il se prit un coup de poing qui le fit saigner, mais dans sa rage elle le vit foncer et frapper de toutes ces forces l’homme qui venait de la violer. Elle tenta de se rhabiller comme elle pouvait et se mit à implorer son frère d’arrêter. Elle voulait rentrer. Elle se sentait souillée. Mais il ne l’écouta pas. Il ne la voyait plus. Il ne faisait que frapper de toute ses forces.

« Manaël, arrête… Rentrons, s’il te plaît… »*

Il s’arrêta net. Le poing levé au-dessus de la tête du violeur, il se retourna vers Léolia et arrêta. Il offrit sa veste à sa petite sœur et la ramena chez eux. Le lendemain, ils allèrent directement porter plainte. Lorsque le procès, éprouvant, se termina, la famille déménagea en Angleterre. Léolia s’était renfermée. Mais ce déménagement lui permit de réapprendre à vivre. Elle se mit à suivre son frère partout. Elle le voyait comme un super-héros, un sauveur. Il était son sauveur.
Lorsqu’il déménagea à Londres, elle se mit à s’inquiéter pour lui. Elle aurait aimé le suivre, mais elle devait d’abord finir l’école. Elle s’était promis que dès qu’elle le pourrait, elle irait le rejoindre.

Elle arriva chez elle. Elle passa le pas de la porte et Macha lui sauta dessus. Elle le prit dans ses bras.

« Je vais enfin le rejoindre Macha. Je n’espère qu’aucune de ces créatures ne l’a approché. Je n’accepterai que des humains et humaines autour de lui. Tu crois que je suis possessive ? Mais non Macha. Il pourra se marier avec l’humain qu’il veut. »